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Signes convictionnels

02 mars 2011 | Intervention de Maxime PREVOT, Président de Groupe, dans le cadre du débat relatif aux propositions de décret « signes convictionnels » en séance plénière du Parlement wallon

Monsieur le Ministre-Président,
Madame la Ministre,
Messieurs les ministres,
Chers Collègues,

Nous voici une fois encore mobilisés autour d’une question lancinante, qui touche à un débat que l’on sait particulièrement sensible au sein de l’opinion publique, mais aussi au sein de chacune des formations politiques, celles-ci étant elles-mêmes composées d’élus qui ont aussi, chacun, une approche personnelle de la question du port de signes convictionnels.

Point d’hypocrisie : derrière ce label à portée globale (« signes convictionnels »), c’est bien entendu en premier chef la question du port du voile islamique qui est en ligne de mire.

Je ne vous surprendrais probablement pas en vous rappelant que comme Démocrates humanistes, nous sommes attachés à la reconnaissance de l’être humain dans toutes ses composantes, notamment les composantes philosophiques ou religieuses. Cette dimension spirituelle de l’homme est, pour nous, partie intégrante de sa construction identitaire.

Il nous apparaît donc qu’il faut appréhender la problématique du foulard avec nuances.

Lorsque, dans certains cas, le port du voile est imposé à la femme contre son gré, nous sortons clairement, nous en conviendrons tous, du principe de liberté et de libre choix auquel nous sommes tous attachés ; et cette imposition doit être condamnée avec la même force que celle qui défend le droit à la liberté des femmes de le porter si elles le souhaitent.

La Belgique peut s’enorgueillir d’être un Etat neutre dans lequel existe une séparation claire entre l’Eglise et l’Etat ce qui signifie :

  • Respect du pluralisme des convictions religieuses ou philosophiques reconnues, dont, notamment, les confessions chrétiennes, musulmanes, juives, mais également le mouvement laïque ;
  • Neutralité des services publics.

Dans le cadre de la partie de débat qui nous occupe aujourd’hui, réaffirmons que nous sommes profondément attachés à la neutralité des services publics. Le Conseil d’Etat nous rappelle d’ailleurs dans un avis de mai 2008 que « la neutralité des pouvoirs publics est un principe constitutionnel qui, s’il n’est pas inscrit comme tel dans la Constitution, est cependant intimement lié à l’interdiction de discrimination en général et au principe d’égalité des usagers du service public en particulier. Dans un État de droit démocratique, l'autorité se doit d'être neutre, parce qu'elle est l'autorité de tous les citoyens et pour tous les citoyens et qu'elle doit, en principe, les traiter de manière égale sans discrimination basée sur leur religion, leur conviction ou leur préférence pour une communauté ou un parti. Pour ce motif, on peut dès lors attendre des agents des pouvoirs publics que, dans l'exercice de leurs fonctions, ils observent strictement eux aussi, à l'égard des citoyens, les principes de neutralité et d'égalité des usagers » .

Or, si ce débat relatif au port de signes convictionnels, que l’on postule affichés de manière ostentatoire, apparaît d’une actualité régulière, c’est parce que l’interaction des croyances et cultures pose effectivement problème aujourd’hui en ce sens qu’elle contrarie, à des degrés divers et pour des motifs, tantôt fondés tantôt moins, la sensibilité et les principes d’un nombre croissant de concitoyens. Nous devons donc lui trouver une réponse. Je dirais même, rejoignant au moins en cela mes collègues MR, qu’il est temps de lui trouver une réponse. Celle-ci devra être adéquate, juste et posée.

Il faut faire vite, car une réponse, une ligne directrice claire est attendue par nos concitoyens ; mais elle doit être globale et cohérente. Dans un débat aussi sensible et complexe, nous ne devons néanmoins pas foncer tête baissée sans réfléchir aux impacts et conséquences de nos décisions. Le ressenti populaire doit comprendre qu’il devra aussi composer avec une série de principes constitutionnels, de textes et autres chartes européennes par exemple.

Il s’agit d’un dossier compliqué tant il touche au plus profond de chacun d’entre-nous ; il touche à nos valeurs, à notre éducation, à notre vie privée.

C’est pourquoi, depuis le début, le CDH préconise de légiférer en la matière de manière simultanée, dans tous les domaines que cette problématique recouvre (enseignement, fonction publique, Parlements, communes, provinces, CPAS, …) afin d’éviter des situations contradictoires et incohérentes et donc, in fine, incompréhensibles. Une ligne de conduite infaillible qui évitera tout malentendu doit être tracée.

Trouver des solutions qui nous mèneront à un Etat emprunt de neutralité et d’égalité n’est pas chose aisée !

Il convenait en conséquence de se donner le temps de la réflexion.

Le temps de digérer les différentes auditions que nous avons menées dans le cadre de la commission conjointe avec le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, initiative qui fut aussi utile qu’opportune.

Le temps de trouver des dispositifs légaux sûrs qui éviteront tout recours au Conseil d’Etat ou à la Cour constitutionnelle. Touchant à la liberté d’expression et aux choix personnels des citoyens, nous devons être prudents et veiller au respect des principes constitutionnels fondamentaux.

De même, cette matière revêt un caractère passionnel pour bon nombre de nos concitoyens. C’est pourquoi, il faut qu’elle soit réglée dans la sérénité, en une fois et évitant les réouvertures successives des débats…

La solution à notre questionnement n’est pas si simple qu’il n’y parait : il n’y a qu’à d’interdire le port de signes convictionnels… Mais, en approfondissant la réflexion, il convient de se demander si l’interdiction peut tout régler ? Tout ne se règlera pas à coup de « y a qu’à ». Il y a en tout cas, des lieux où le choix de l’individu doit primer tant qu’il ne nuit pas à la sécurité publique.

L’école, l’administration publique, le Parlement, les commerces, la rue… Il convient de définir les lieux où une législation est bienvenue et les lieux où elle doit être omise.

Résister à l’intolérance, ce n’est ni la tolérer ni lui devenir intolérant… Nous devons donc trouver une solution juste et équilibrée.

En ce qui concerne plus précisément la résolution de Madame Reuter, plusieurs remarques d’ordre juridique ont été avancées. La plus importante touche à l’outil normatif qui doit être utilisé.

Il est ici proposé de modifier l’arrêté du Gouvernement du 8 décembre 2003, portant sur la fonction publique. Or, bon nombre des experts auditionnés par la Commission conjointe ainsi que le Conseil d’Etat statuant sur des projets de décret similaires, estiment que seul le législateur peut limiter la liberté de conviction. L’interdiction de porter des signes convictionnels ne pourra donc être instaurée que par voie décrétale et non par le biais d’arrêtés gouvernementaux.

Par ailleurs, la proposition de résolution postule l’interdiction pour tous les prestataires de services du Gouvernement wallon et des OIP de la Région, dans l’exercice de leur mission, de porter ou d’afficher des signes qui expriment leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses dans l’exercice de leur mission. Plus encore : le texte tend à s’appliquer à tout les organismes « chargés d’une mission publique ». Ainsi formulé, le texte est de facto trop vaste : ex. les universités sont des institutions chargées d’exercer des missions d’intérêt public…
Le Conseil d’Etat a, à plusieurs reprises, écrit qu’une restriction des principes constitutionnels peut se justifier pour les membres du personnel qui, portant des signes convictionnels, peuvent susciter auprès du public le sentiment qu’ils n’exercent pas leur fonction d’une manière impartiale. Pour les autres membres du personnel, une telle interdiction devrait être fortement motivée afin de démontrer qu’elle est conforme au principe de proportionnalité qui doit être respecté pour rendre cette restriction admissible. Or si cette explication ne peut être fournie, l’interdiction ne peut être générale.
Ces trois remarques suffisent à démontrer la difficulté à légiférer en la matière et la prudence qui doit nous guider dans les réflexions à venir. Il faut donc résister, madame Reuter, à la tentation d’alimenter outrancièrement les JT par des propositions qui flattent le ressenti populaire sans autre forme de nuance.

Les propositions de décret de Monsieur Borsus et de madame Bertouille, soulèvent quant à elles plusieurs questions :

- Le Conseil communal doit-il être mis sur le même pied que le Collège ? Le Conseil d’Etat estime que lorsqu’ils agissent en qualité d’organes ou de représentants d’un service public dans leur rapport avec la population et les autres autorités, les mandataires politiques doivent apparaître exercer leur fonction de manière neutre. En revanche, lorsque, dans le cadre de leurs fonctions, ils exercent une activité par laquelle ils tentent de faire valoir leur point de vue, pour lequel ils ont reçu la confiance de la population ou de ceux qui les ont désignés, leur liberté d’expression ne peut être limitée que s’il est fait état de motifs impérieux dans le respect du principe de proportionnalité. Dès lors, l’interdiction du port du voile au Conseil communal peut paraître discutable et devra à tout le moins être expliquée et motivée largement. Mais soyons clairs : pour nous, le port de signes convictionnels dans les exécutifs locaux (ou les gouvernements d’ailleurs) ne doit pas être permis.

- Qu’en est-il du Conseil et du Bureau de l’aide sociale ? Ne faudrait-il pas légiférer d’une manière similaire pour ces instances également ?

- L’interdiction du port de signes convictionnels dans la fonction publique locale doit-elle être totale ? Ne faudrait-il pas, en tenant compte des critiques énoncées par le Conseil d’Etat, opérer une distinction entre les fonctions d’impérium, les fonctions qui mettent en contact direct avec le public et les fonctions de direction ? Je ne cache pas que cette approche recueillerait davantage notre assentiment.

- Enfin, ne conviendrait-il pas de faire application du principe de l’autonomie communale dans le cadre de la réglementation du port de signes convictionnels dans l’administration publique locale ? La nature des fonctions de direction et la nature des fonctionnaires dont la mission est d’être en relation avec le public devraient, à notre sens être déterminées dans les conditions et limites de l’autonomie locale, par un règlement d’administration communal ou provincial.
Ces quelques questions devant faire l’objet d’une étude et d’une réflexion plus approfondie, il est prématuré de se prononcer sur le contenu de ces projets de décret de manière cohérente.
Pour le CDH, avoir une vision d’ensemble pour ne pas traiter le sujet par le bout de la lorgnette est primordial. Ainsi, nous sommes satisfaits de la proposition énoncée par le Gouvernement lors des séances de commissions il y a quinze jours.

En effet, le Gouvernement s’est engagé à régler la question d’ici la fin de la session parlementaire au plus tard. Il s’agit donc déjà des semaines et des mois à venir. Cette majorité a choisi de se prononcer rapidement mais sans précipitation, ce qui est preuve de sagesse. Des groupes de travail, composés de membres de cabinet mais également d’experts extérieurs, sont mis en place et vont nous suggérer des modifications législatives englobant l’entièreté de la problématique. Nous ne pouvons que nous en réjouir et leur souhaiter d’ores et déjà bon courage et bon travail !

En conséquence, mon groupe ne votera pas favorablement les propositions de résolution et les propositions de décret qui nous sont proposées ici. Non pas tant en raison de problèmes majeurs quant au fond ; mais bien en raison surtout de difficultés majeures quant à la forme, du caractère partiel de l’approche proposée par vos textes et au regard de l’échéancier proche du travail d’expertise mené au sein du gouvernement.

Nous attendrons, cependant, avec vigilance et fermeté le retour de ce dossier sur nos bancs dans les tout prochains mois. Le CDH l’a dit en commission et le répète encore ici. Il est de notre devoir de parlementaire de trancher ce débat qui anime largement notre société wallonne. Point d’encommissionnement. Point de jeu d’autruche. Mais bien de la conviction et de la raison pour que ce dossier connaisse une décision rapide, cohérente et globale, car on ne saurait davantage traîner en la matière.

Je vous remercie.

Maxime Prévot
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