La propreté des espaces publics et l'opportunité de consigner les canettes

M. Dimitri Fourny (cdH)

M. le Ministre,

La presse s'est fait l'écho des problèmes liés à l'abandon de déchets dans les espaces publics.
Cela vise non seulement les centres villes mais aussi les abords des routes.

Votre collègue, le Ministre DAERDEN vient de lancer une nouvelle campagne de sensibilisation à la propreté le long des routes avec un slogan qui est sensé conscientiser et ramener à des comportements civiques. Car finalement c'est l'ensemble des wallons qui payent la note plutôt salée : 20 millions d'euros par an pour le ramassage des déchets sur le réseau routier. Pour 2008, la Région a conclu un contrat avec des sociétés privées chargées de la collecte de ces déchets.

Cela représenterait 120 équivalents temps plein…en plus des 400 « wallonets » déjà actifs dans les grandes villes de plus de 50 000 habitants et sur les lieux touristiques. Cela fait beaucoup de monde affecté au ramassage des déchets que certains continuent à jeter n'importe où. Le nouveau projet de décret que vous allez présenter prochainement au Parlement wallon sur les incivilités en matière environnementale doit permettre de désigner au sein des communes des agents sanctionnateurs qui vont dresser les PV et infliger les amendes administratives qui rentreront dans les caisses des communes.

C'est un élément majeur qui va permettre d'assurer une poursuite effective des pollueurs au quotidien. Une majorité de communes ont un règlement communal qui prévoit des amendes administratives par type de déchets jetés sur la voie publique mais cela ne semble pas suffire pour endiguer le phénomène.

Aussi, il me semble opportun de réfléchir à d'autres pistes complémentaires qui seraient de nature à combattre ce type d'incivilité. Ainsi, l'Allemagne et le Canada ont mis en place un système de consigne des canettes. Il faut effectivement reconnaître que parmi les déchetsqui jonchent les espaces publics, on note une part importante de canettes. Bien sûr les canettes rentrent actuellement dans le circuit de la collecte sélective (sacs bleus destinés au PMC repris par Fost Plus).

Et l'obligation de reprise prévoit pour chaque type de déchets un taux de recyclage. Dans le rapport annuel de Fost plus, il apparaît que les canettes et les boîtes de conservent représentent 43% des emballages en aluminium et 83% des emballages en acier. Mais il ne ressort pas de ce rapport de chiffres précis quant au taux de récupération et de recyclage des canettes en tant que telles.

Disposez-vous, Monsieur le Ministre, de chiffres précis concernant le taux de recyclage par rapport au nombre de canettes mises sur le marché. Comme le relève les amis de la Terre, chaque année, 225 milliards de canettes sont consommées dans le monde. Les Européens ont consommé 41 milliards de canettes en 2005 dont 3,25 milliards par les Français. La France est le troisième marché européen après le Royaume-Uni et l'Espagne. Disposez-vous d'éléments précis permettant de situés la Belgique et une ventilation par Régions ?

Dans la nature, une canette met entre 100 et 500 ans à disparaître. Fabriquée en acier ou en aluminium, la canette est recyclable à 100 %. Encore faut-il qu'elle soit triée du reste des emballages... En effet, recyclable ne signifie pas recyclé. Et c'est la tout le problème de la canette. Ce produit a pour vocation première d'être consommé en dehors de l'habitation. Une très grosse part des canettes sont donc jetées en mélange et ne sont dans les faits pas recyclées. Des systèmes efficaces ont déjà été expérimentés dans diverses régions du monde.

Dans plusieurs états américains, dans quelques provinces canadiennes et dans plusieurs pays d'Europe et d'Amérique du Sud, les consommateurs déposent une consigne lorsqu'ils achètent une boisson en canette et la récupèrent en ramenant le récipient après usage. L'état du Michigan a réussi à atteindre ainsi un taux de recyclage de 95% avec une consigne de 10 cents par récipient rendu. En Suède, 86% des canettes en aluminium a été recyclé avec un système de consigne.

En Inde, on réussit aussi de fort taux de recyclage grâce à des consignes pouvant atteindre 50% du prix du produit vendu. Bien sûr il faut responsabiliser le particulier en continuant la promotion du geste de tri mais d'autres mesures pourraient contribuer à l'amélioration de la reprise et du recyclage des déchets. L'idée de consigner les canettes (voire d'autres contenants) est-elle envisageable au niveau régional ou interrégional ? Quelle est votre position par rapport à cette proposition qui pourrait utilement compléter les outils dont la Région s'est dotée ces dernières années ?

D'avance, je vous remercie.

REPONSE

M. le Ministre Benoît Lutgen

L'idée de voir si la consigne des canettes pourrait se révéler positive pour notre Région nous intéresse depuis quelques années. Le rapport annuel de Fost plus indique que les canettes représentent 43 % des embalages en aluminium et 70 % des emballages en acier. De plus, le taux de recyclage est de 98,2 % en Région wallonne, avec 84,2 kilotonnes de déchets recyclés. Il faut faire attention aux effets pervers.

En effet, nous sommes un petit pays avec des frontières proches. Les consommateurs risquent donc de passer la frontière pour acheter le même produit 10 % à 15 % moins cher. L'effet pourrait donc être économique et environnemental, sans parler des difficultés pour les producteurs.

Différents éléments et outils sont à notre disposition pour répondre au mieux aux diagnostiques que vous avez posés, tels que la prévention au niveau des agents, ou encore les sanctions avec le décret sur les incivilités environnementales qui visent l'harmonisation de celles-ci sur l'ensemble du territoire. Ce sont là des outils nouveaux avec des moyens budgétaires colossaux.
Je ne rejette pas l'idée de la consigne, mais c'est une solution tout à fait différente des décisions prises au niveau européen. De plus, ceci compliquerait d'autant plus le triage et demanderait des circuits logistiques différents. Je tiens à vous rappeler l'écotaxe mise en place il y a quelques années et son effet pervers total. Notre système permet un taux de recyclage très haut.

La situation serait pire en termes de pertes environnementales compte tenu des transports et au niveau du commerce, sans parler d'un retour au point de départ puisque nous devrions faire face aux canettes de l'étranger qui ne seraient pas consignées.

Aujourd'hui, cela n'entre donc pas dans les vues européennes. J'ai également eu le retour en termes de réactions face au reportage des médias, mais actuellement je ne suis pas prêt à mettre une telle consigne en place.

M. Dimitri Fourny (cdH)

En termes de diagnostic, j'ai la même analyse que vous. Néanmoins, je reste plus prudent quant au taux de recyclage de 98,2 % annoncé par Fost plus. Je constate que le Grand-Duché et l'Allemagne conservent des abords de route propres.

Il me semble qu'il faut continuer et amplifier la prévention, notamment dès l'école. Il nous faut prendre des initiatives au niveau européen, en tirant des leçons des expériences chez nos voisins. Aussi, pourquoi ne pas organiser une mission en Allemagne pour nous enrichir de leur expérience.