Le soutien public wallon à la recherche et à l’innovation sociale

Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues,

Remis chaque année depuis 2011, dans le cadre de Creative Wallonia, le Prix Zénobe (qui a ainsi succédé aux anciens Prix à l’innovation technologique) vise à mieux faire connaître les porteurs de projets et à diffuser les bonnes pratiques en matière de créativité et d’innovation, tant dans le monde de la recherche que dans celui des entreprises.

L’édition de cette année était pour sa part plus spécialement consacrée à « l’innovation sociale ». Pour rappel, l’innovation sociale ainsi visée concerne de nouveaux produits ou services, de nouveaux types d’organisation ou de nouveaux modèles inter-organisationnels qui répondent à des besoins sociaux insuffisamment adressés par le marché et dont la satisfaction génère des externalités positives auprès d’individus, de groupes ou de l’ensemble de la société, ce qui permet de renforcer notamment la cohésion sociale et le bien-être collectif.

Je ne peux que me réjouir de voir ainsi mis en valeur cette « innovation sociale » qui est trop souvent un peu oubliée et cachée par l’innovation technologique. Ce prix justement consacré en 2013 à cette thématique précise a donc clairement le mérite de braquer les projecteurs sur un type d’innovation moins bien connu et moins bien promu. Et c’est tant mieux !

Néanmoins, force est de constater que cette initiative est relativement isolée et que l’innovation sociale reste un peu le parent pauvre de nos politiques publiques en matière d’innovation. En effet, celles-ci ciblent essentiellement l’innovation technologique et industrielle –qui est bien entendu particulièrement cruciale et incontournable pour la réussite du redéploiement économique de la Wallonie.

Il n’empêche, ne pourrait-on pas ou ne devrait-on pas envisager aussi la mise en place d’une véritable stratégie publique structurelle en recherche et innovation sociale afin d’exploiter pleinement le potentiel de celle-ci et dynamiser de la sorte une croissance économique davantage durable ? Ce type de recherche ne mériterait-il pas une telle politique structurée et pérenne qui associerait les entreprises à profit social, les centres de recherche et les pouvoirs publics, les unes apportant leur expérience pratique et leur proximité physique avec les réalités de terrain, les autres leur expertise, leur regard extérieur et une capacité à appréhender les besoins autrement ? Une telle politique ne pourrait-elle pas apporter ainsi une réponse aux nombreuses difficultés qu’éprouvent actuellement les entreprises à profit social lorsqu’elles cherchent à bénéficier de l’expertise et du financement nécessaire à la recherche et au développement de leur projet d’innovation sociale ? Bref, quelle est votre analyse de l’ensemble de cette problématique, dans la foulée de ce prix Zénobe qui a si bien su mettre en valeur ce concept d’innovation sociale resté jusqu’ici trop souvent dans l’ombre ?

D’avance, je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour vos réponses et vos précisions. 

Réponse du Ministre JC MARCOURT

Monsieur le Député, l'innovation est à la base du programme Creative Wallonia que j'ai proposé de mettre
en oeuvre, dès 2010, pour favoriser le redéploiement économique de la Wallonie en incluant tous les citoyens, les entreprises et les acteurs publics.
 

Le Prix Zénobe a effectivement été mis en oeuvre dans ce cadre, avec comme objectif la reconnaissance
des bonnes pratiques dans un secteur d'innovation spécifique.
 

Pour 2013, l'innovation sociale était le coeur du prix qui a été remis à la SCRL « Ateliers de l'Avenir » et au
Centre d'Économie Sociale d'HEC-École de gestion de l'ULg, ce 28 novembre 2013.
 

La société contemporaine doit faire face à de nouvelles contraintes impliquant des besoins sociaux importants. Dans ce cadre, l'innovation sociale consiste à élaborer des projets, biens et services afin de répondre à ces nouveaux besoins. Toutes les strates de la société sont encouragées à apporter leur contribution.
 

L'innovation sociale vise une amélioration pour la société. Néanmoins, ces améliorations ne doivent pas
signifier absence de retombées ou investissements à fonds perdu. Il faut noter dans ce sens que l'entreprise lauréate est active dans la politique du Plan Marshall, et en particulier dans les pôles de compétitivité. Le projet CIMEDE, labellisé par le Gouvernement wallon, en 2008, vient de connaître une suite favorable puisque son prolongement CIMEDE 2 a été sélectionné par le Gouvernement wallon, lors de la séance Plan Marshall du 28 novembre dernier. L'entreprise est active dans la construction et a proposé un modèle de cloisons, permettant de moduler les espaces de vie des habitations de manière modulaire, sans interventions lourdes, permettant ainsi de s'adapter à l'évolution des cadres de vie mais aussi de l'évolution des familles.
 

C'est la démonstration que l'innovation sociale, tout importante qu'elle soit, prouve à souhait qu'elle est une composante de l'innovation, au sens strict, et fait partie intégrante de l'économie, puisqu'elle s'inscrit dans la mise sur le marché de produits innovants et économiquement rentables. Il est donc de notre devoir
de mettre en place des actions claires permettant de créer ce lien entre innovation sociale et portée
économique réelle ; je suis totalement convaincu de la justesse de cette proposition.
 

Afin de pouvoir lancer cette réflexion, je vais proposer à plusieurs acteurs liés à l'économie sociale et à l'innovation sociale, en reprenant notamment les bases de discussions autour du Prix Zénobe 2013 de mettre en place un groupe de travail qui définira la terminologie d'innovation dans l'économie sociale et qui sera chargé d'identifier les besoins du ou des secteurs. Je tiens à dire, pour ceux qui l'ignoreraient, que « les Ateliers de l'Avenir » sont orientés vers les sourds et malentendants, et que c'est une entreprise exemplaire dans l'action qu'elle fait pour notre société.
 

Réplique du Député A. TANZILLI

Monsieur le Ministre, je vous remercie pour votre réponse, mais je me permets d'insister, malgré tout. Je comprends que vous soyez attentif à ce que les processus de soutien à l'innovation ne soient pas réalisés, comme vous le dites, à fonds perdu. Mais je pense, néanmoins - et d'une certaine manière, les difficultés qui seront mises en exergue dans l'interpellation qui suit sur les titres-services sera là pour le rappeler - que le secteur des entreprises à profit social fait fasse à des coûts qui progressent de manière exponentielle. Au-delà de la richesse créée, il y a aussi la richesse épargnée. Je pense qu'il est donc important d'aider aussi les entreprises à profit social, de pouvoir mettre en place une innovation sociale, lorsque celle-ci débouche sur une réelle plus-value économique de bienêtre et d'efficience. Vous entendez réunir les différents acteurs dans la foulée du Prix Zénobe - et c'est une excellente idée - mais je vous invite à ne pas oublier les entreprises à profit social qui, quand bien même, elles ne dégageraient pas de marge particulière par une innovation sociale, peuvent en réalité avoir une véritable plus-value pour l'ensemble de la société et de la Wallonie.
 

Pour le reste, je partage entièrement - pour avoir vu le reportage sur leurs travaux, lors du Prix Zénobe - le
travail formidable que les Ateliers de l'Avenir réalisent, puisqu'à la fois, ils se montrent particulièrement
innovants dans leurs processus, mais c'est en plus une société à finalité sociale, qui emploie particulièrement des sourds et malentendants.