La diversification du secteur laitier

Monsieur le Ministre,

Le mois prochain, marquera, vous le savez, la fin de la politique des quotas laitiers, nous avons déjà pu nous pencher sur les conséquences de cette décision de l’Union européenne pour nos agriculteurs et des dangers qu’elle fait peser sur le devenir de nos exploitations.
Au travers de nombreuses questions parlementaires et du débat lors de la séance plénière du 21 janvier dernier, le Ministre Collin a pu réaffirmer la volonté du gouvernement de tout mettre en œuvre afin de soutenir nos producteurs laitiers tant à travers la promotion de notre production qu’au travers de la recherche de nouveaux débouchés et une diversification plus poussée.

Le premier volet de ces engagements a pu être mis en œuvre au travers des campagnes de promotion de l’APAQ-W que votre collègue en charge de l’Agriculture a organisé.
Je me tourne donc vers vous pour les autres volets, concernant la recherche de nouveaux débouchés, grâce à l’AWEX et la diversification, au travers du pôle de compétitivité WALAGRIM.
 

Monsieur le Ministre :

- Pouvez-vous faire le point des initiatives prises par l’AWEX afin de trouver de nouveaux marchés étrangers ? Je pense notamment ici aux pays asiatiques que l’on sait particulièrement demandeurs de produits laitiers pour faire face à une demande intérieure qui explose. La demande est d’ailleurs telle que des groupes agro-alimentaires chinois ont investi ces dernières années, notamment en France, afin de faire face à la demande. Des démarches ont-elles été entreprises afin de les orienter vers le marché wallon ?
- Quelles ont été les démarches engagées par le pôle WALAGRIM afin de diversifier l’offre de produits ? Des contacts sont-ils pris avec les laiteries afin de les encourager à diversifier leurs productions, actuellement centrées sur la poudre de lait et le beurre, vers des produits plus complexes mais également plus rémunérateurs ? Si les laiteries devaient décider de s’engager sur cette voie, peuvent-elle compter sur le soutien, notamment financier, de la Wallonie ?

D’avance je vous remercie pour vos réponses,

Réponse du Ministre JC MARCOURT

Madame la Députée, l'une des missions de l'AWEx consiste en effet a aider les entreprises a prendre pied sur les marchés dont elles sont absentes ou sur lesquels elles sont insuffisamment présentes. Pour parvenir a atteindre cet objectif, l'agence met a la disposition des entreprises une vaste panoplie d'incitants, financiers pour la plupart, susceptibles de leur faciliter l'accès a ces marchés.
 

Ces incitants permettent entre autres aux entreprises de s'informer, d'élaborer leur stratégie a l'export,
d'engager et de former leur personnel, de définir leur communication, de prospecter et de participer a des
foires professionnelles, avec l'AWEx ou a titre individuel, dans ou hors Union européenne. Toutes les
entreprises, pour peu qu'elles satisfassent aux conditions d'octroi, ont droit a cette assistance.
 

Le secteur agroalimentaire a été identifié comme prioritaire dans le cadre du plan Marshall. C'est également le seul a bénéficier a l'AWEx d'un service qui lui soit totalement dédié. Depuis 1995, ce service propose annuellement aux entreprises plus d'une vingtaine d'actions de prospection et leur a permis d'aborder plus d'une soixantaine de marchés dont bon nombre en Asie.
Ces actions, qu'il s'agisse de missions commerciales, de journées de contacts, d'invitations d'acheteurs ou de l'organisation de la participation collective aux grands salons internationaux, ont eu lieu, entre autres, au Japon, au Vietnam, a Taïwan, a Hong Kong, a Singapour, en Inde, en Malaisie, en Thaïlande, en Corée ou au
Pakistan.
 

La Chine, par exemple, a fait l'objet d'une attention particulière l'année dernière. Une table ronde agroalimentaire sur le marché chinois a été organisée a Mons, a laquelle ont participé une quarantaine
d'entreprises du secteur. Une douzaine d'entreprises ont participé collectivement sur un stand de l'AWEx au
salon Food & Hotel Shanghai, a la fin de l'année 2014 et une seconde participation a ce salon est planifiée pour novembre de cette année.
 

En ce qui concerne plus particulièrement le secteur laitier, depuis le scandale chinois du lait frauduleux a la
mélamine – des entreprises chinoises, associées parfois a des groupes étrangers, avaient triché sur la teneur réelle du lait en protéine – qui avait provoqué plus de 100 000 cas de maladies graves, la Chine est a la recherche de volumes énormes de lait en poudre pour bébés de qualité et de traçabilité irréprochables. La plupart des grandes laiteries européennes ont profité de cette aubaine pour réaliser de beaux chiffres a
l'exportation, y compris nos deux laiteries wallonnes importantes : la Laiterie des Ardennes et la Laiterie de
Walhorn.
 

Pour attirer des investisseurs chinois potentiels dans le secteur laitier, la branche « investissements
étrangers » de l'AWEx valorise les atouts de la Wallonie dans ce secteur : la qualité du lait et notre système de traçabilité sans faille. Une piste stratégique poursuivie par l'AWEx est la prospection d'investisseurs chinois en Wallonie en échange de la mise en oeuvre, par des experts wallons, d'un système de production laitière en Chine utilisant notre savoir-faire pour obtenir sur place la qualité et la transparence recherchées. Les Chinois pourraient investir chez nous dans une unité de transformation ou dans un centre de recherche du lait, un peu comme la plateforme Actilait en France.
 

Il convient toutefois de savoir que l'exportation de denrées alimentaires hors Union européenne est
strictement réglementée. Ces exigences sanitaires constituent probablement l'une des barrières commerciales les plus compliquées a franchir pour les produits alimentaires, non seulement wallons, mais
également belges ou européens. Hors Union européenne, les États ne se privent pas d'user de ces procédures pour protéger leurs marchés.
 

Les négociations pour obtenir la levée de ces barrières sont du ressort de l'AFSCA. À ce propos, on notera que ce n'est que l'année dernière que les entreprises belges, actives dans le secteur laitier ont enfin été en mesure, d'un point de vue sanitaire, d'exporter vers la Chine.
 

Il a fallu préalablement obtenir l'accord des vétérinaires chinois et cet accord n'est intervenu qu'après un long processus d'échanges. Cet accord était soumis a l'analyse du système sanitaire belge, a l'analyse et adaptation des certificats ad hoc et a la visite des exploitations souhaitant exporter vers la Chine par des
experts chinois.
 

À l'issue de cette procédure en août 2014, l'AWEx les ayant a plusieurs reprises vivement encouragées a
entreprendre les démarches nécessaires, huit sociétés wallonnes du secteur laitier ont été inscrites sur la liste des établissements autorisés a exporter vers la Chine.
 

En ce qui concerne les démarches du pôle WagrALIM pour diversifier l'offre wallonne de produits laitiers, son action principale réside dans le projet LaitHerbe, qui vient de se terminer il y a quelques semaines et qui a fait interagir une coopérative laitière, une fromagerie, un fabricant d'aliments, le CRA-W, les universités, des fermes pilotes, bref toute une filière.
 

Une nouvelle filière diversifiée devrait voir le jour prochainement suite a ce projet, s'appuyant sur un
sourcing local, une AOP et une structuration économique de niveau industriel.
 

Le pôle WagrALIM a mis en contact des acteurs laitiers wallons avec le monde de la recherche, de
l'innovation, des entreprises et des réseaux internationaux. Il appartient a ces acteurs de se mobiliser dans le cadre de WagrALIM en faisant coïncider leur stratégie industrielle et l'offre de partenariat et de financement de l'innovation qui ne manque pas en Wallonie, ni au niveau européen
d'ailleurs.
 

Si le secteur de la production du lait fait l'objet de différentes aides dans le secteur de l'agriculture, il convient de noter que le secteur de la transformation du lait est éligible aux primes a l'investissement. Plusieurs entreprises ont, dans ce cadre, bénéficié de telles aides.
Citons, par exemple, la société Laitière de Recogne qui a, en quelques années, reçu environ 3,2 millions d'euros de primes a l'investissement sur la base de plusieurs programmes d'investissements portant sur un montant total de 46 millions d'euros. Ces aides ont permis a la société d'engager une soixantaine de travailleurs.
 

Comme vous l'avez dit, la Laitière de Recogne a ainsi pu diversifier sa production dans des marchés de
niche a plus haute valeur ajoutée.
 

Pour conclure ma réponse, je pense qu'il s'agit la de quelque chose sur lequel on doit réfléchir. Le produit
laitier de base est extremement concurrentiel. Par contre, nous avons plusieurs sociétés – je pense a
Corman, a la Laitière de Recogne – qui font dans des produits a très haute valeur ajoutée et où nous sommes capables, dans des marchés de niche particuliers, de trouver a écouler notre production de base de lait vers des produits qui sont plus rentables et qui permettent ainsi de mieux rémunérer les producteurs.
 

Réplique de la Députée M-M SCHYNS

Je vous remercie Monsieur le Ministre parce que votre réponse est très complète. On voit les différentes ouvertures. Je vous avais demandé de faire le point sur ce qui s'était fait d'un côté. Vous m'avez meme, au niveau de l'AWEx, redonné les perspectives pour l'année qui vient. C'est très bien, on sent que c'est quelque chose qui est continu.
 

Par rapport aux Chinois, je suis pleinement rassurée quant aux différentes démarches faites. Vous avez
signalé que les Chinois pourraient investir chez nous. Je suppose qu'il y a une négociation pour le moment en cours. Je ne manquerai pas de revenir vers vous sur ce sujet.
 

Par rapport a ma deuxième question sur WagrALIM, je note qu'une nouvelle filière va suivre celle de LaitHerbe, qui vient de s'achever. C'est vrai qu'il y a des projets dans ma région qui étaient rentrés dans cette filière et qui en sont très contents.
 

Tout comme vous, je pense que l'on doit jouer sur les niches et qu'il faut continuer a le faire avec WagrALIM.