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La position de la Région wallonne face à la répression menée par le régime Kadhafi contre le peuple libyen et l'utilisation éventuelle d'armes wallonnes dans ce contexte

28 février 2011 | Question orale de M. Dimitri FOURNY à M. le Ministre-Président Rudy DEMOTTE

Le dossier libyen nous rappelle à une dure réalité que celle de la guerre, de la violence, de la dictature et du sort que certains dictateurs peuvent réserver à leur population. On ne peut que s'attrister, être émus de la situation et s'indigner face à une telle attitude. Nous ne pouvons qu'applaudir l'initiative prise par l'Union européenne de prendre un embargo à l'égard de la Libye au niveau des armes suite aux événements que nous avons connus. Revers de la politique internationale qui a été menée par la communauté internationale à l'endroit de la Libye depuis 2004, puisque M. Kadhafi a été considéré pendant toute cette période comme étant une persona grata, ce qu'il n'était pas auparavant. Et ce, au nom de la real politique et avec certaines conditions qui lui ont été imposées, notamment d'arrêter de côtoyer certains réseaux terroristes, de les alimenter et d'employer des armes à destruction massive.

La real politique et la real diplomatie ont fait en sorte que M. Kadhafi a été reçu en grandes pompes à l'Elysée par le Président Sarkozy, qu'il était reçu également l'année dernière par le Président du Conseil européen, M. Van Rompuy. Il faut quand même encore se mettre ces images en tête pour relativiser l'émoi ou l'attitude que certains peuvent avoir à l'égard de ce dictateur. C'est une réalité qui malheureusement a existé et dont on voit évidemment les limites aujourd'hui au regard de l'attitude qu'il peut avoir vis-à-vis de son peuple.

Le débat de la livraison des armes en Libye, nous l'avons au lendemain des élections de 2009. Un débat qui a effectivement ouvert la question de savoir comment réagir face à l'attitude qui avait été prise par la FN de livrer des armes qui en définitive avaient été construites et qui avait poussé le gouvernement face à une situation de fait accompli. C'est un élément important qui avait suscité à l'époque pas mal d'émoi, pas mal de réactions. Sur l'ensemble des bancs de ce parlement, la question du contrôle a priori de l'octroi des licences d'armes plutôt que du contrôle a posteriori avait été évoquée. C'est ainsi que dans ce contexte, nous avions envisagé de renforcer le contrôle du parlement et de revoir la procédure d'octroi des licences d'armes, chose à laquelle le gouvernement s'était engagé et à laquelle il vient de répondre cette semaine, au travers d'une décision qui a été prise en kern.

Ceci étant dit en préambule, Monsieur le Ministre-Président et plus globalement au regard des critères qui ont été développées ces jours derniers suite aux événements en Libye, il y a tout de même une question qu'il faut se poser et que nous nous sommes posée. C'est celle de savoir si en définitive, lorsque l'on vend des armes, il faut aussi pouvoir admettre que ces armes peuvent être utilisées. Lorsque ce secteur produit des armes en Wallonie, il faut aussi pouvoir assumer que ce secteur est rentable, crée de l'emploi, crée 10 000 emplois directs, 15 000 au total avec les emplois indirects. La question est de savoir si oui ou non nous souhaitons maintenir ce secteur d'activité économique important en Région wallonne et plus particulièrement dans le bassin liégeois. En tout cas, notre réponse est positive à cette question, nous souhaitons que ce secteur continue à trouver son activité, à la réaliser, à la développer. Il est hors de question, dans notre chef au cdH, d'envisager d'autres questions.

La question qui vient également à se poser au travers de la vente de ces armes est que celle-ci se régit dans un contexte international. L'Union européenne aura et a un rôle important à jouer en l'espèce puisque l'on sait que 40% des armes produites dans le monde sont issues de l'Europe et que la Wallonie, quant à elle, produit 0,5% du total des armes dans le monde. Il faut donc mesurer la portée relative du volume des armes que la Wallonie produit à destination de l'extérieur. Il ne faut pas non plus sombrer dans la naïveté ou dans l'angélisme quant à croire que du jour au lendemain, si nous devions avoir des règles plus drastiques, plus coercitives, plus contraignantes ou voir si nous devions supprimer la possibilité de développer ou de créer des armes en Wallonie, cela aurait un impact sur les pays qui achètent ces armes, je ne le pense vraiment pas. La quantité au regard de ce qui est produit est tout à fait limitée et minime. Il faut donc relativiser la portée de ceci.

Il y a des contraintes d'ordre éthique que nous devons respecter et nous pensons que l'usage de la réglementation européenne ou l'harmonisation des règles au niveau européen doit être un véhicule utile, indispensable et nécessaire. Monsieur le Ministre-Président, j'aimerais vous entendre sur cette question puisque vous avez eu l'occasion de l'aborder au travers de différentes discussions que vous avez eues au niveau international. Où en sommes-nous? Vers où allons-nous?

Par ailleurs, nous avons également une directive européenne de 2009 qui est à transcrire dans notre droit interne et dont les objectifs sont clairement fixés pour la fin de ce mois de juin 2011. Où en sommes-nous dans la retranscription de cette directive extrêmement importante quant aux critères de certification, de traçabilité des armes, telles qu'elles vont être diffusées, produites et vendues vers l'extérieur ? Ces éléments sont extrêmement importants et il y a une urgence en l'espèce pour pouvoir appliquer cette réglementation au niveau de notre droit wallon.

Monsieur le Ministre-Président, nous avons toujours soutenu les licences que vous avez octroyées, que ce soit dans le dossier libyen et dans d'autres dossiers. Nous n'allons pas rentrer dans le bal des hypocrites même si nous arrivons en cette période de Carnaval. C'est un fait, ces licences ont été octroyées, il faut assumer, assumer les conséquences qu'elles ont pu avoir dans les faits au jour d'aujourd'hui.

Cela dit, je pense que lorsque nous avons eu ce débat au niveau du cas libyen, notre groupe avait clairement indiqué qu'il y avait une nécessité de revoir la procédure d'octroi des licences en Wallonie pour éviter le fait accompli, les problèmes de contrôle a posteriori et éviter que l'industrie de l'armement ne se pose dans une situation où les armes sont produites et empêche quelque part le pouvoir wallon de pouvoir réagir.

Ces réformes, nous les avons appelées de tous nos vœux. Elles doivent clarifier les procédures dans l'intérêt de tous les acteurs en présence : la région, les entreprises et les travailleurs. Ceux-ci ne peuvent évidemment pas faire les frais des légitimes préoccupations éthiques que nous voulons respecter.

Pour rappel, nous avons insisté sur la volonté de défendre une attitude extrêmement vigilante dans le domaine des exportations d'armes et nous avons indiqué clairement notre souhait d'améliorer les procédures de décision afin d'aboutir rapidement à une optimisation et une clarification du contrôle des armes.

En novembre de l'année dernière, nous avions demandé d'améliorer le fonctionnement de la Commission d'avis, en revoir la composition et mieux garantir son indépendance et l'inscrire dans un décret.

Deux, de repréciser le rôle du parlement dans les contrôles effectifs qu'il doit mener dans les domaines de licences d'armes.

Trois, de renforcer, de formaliser davantage la coopération entre la Région wallonne et le SPF Affaires étrangères.

Enfin, il faut qu'une forme d'autorisation préalable de négocier soit mise en place pour certains dossiers de licences d'armes plus sensibles.

C'est notamment en réponse à ces demandes et en vous inscrivant dans cette démarche que vous avez déposé une note d'orientation le 29 avril 2010, note dont vous avez ensuite présenté les grandes orientations en commission du parlement. Plusieurs éléments que l'on y retrouvait rejoignaient d'ailleurs les préoccupations que nous avions formulées à l'époque. Je m'en réjouis évidemment au nom du groupe cdH, d'autres éléments étant moins clairs et devant être précisés.

Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que celui-ci vous a réclamé avec force en septembre dernier une véritable concertation pour la rédaction du futur projet de décret qui doit succéder à la note d'orientation. Un groupe de travail a alors été institué et des discussions ont eu lieu, ce qui nous a semblé éminemment positif, le but étant de parvenir au meilleur texte possible.

Depuis lors, nous avons pu apprendre que le gouvernement s'était entendu et accordé sur un futur projet de décret. À première vue, cet accord semble très largement répondre et correspondre aux grands principes et aux diverses dispositions déjà développés dans la note d'orientation du 29 avril 2010 et déjà présentés et débattus en cette commission.

Mais on sait que le diable se cache souvent dans les détails. J'aurais dès lors voulu, Monsieur le Ministre-Président, vous entendre sur le contenu précis de cet accord et des diverses procédures qui devaient être utilisées à l'avenir.

En effet, nous souhaiterions avoir des précisions quant au fait de savoir quelles seront les conditions exactes d'application de la procédure dite de l'accord préalable. N'y a-t-il pas dans cette disposition d'importants risques pour les entreprises concernées? Ne vaudrait-il pas mieux limiter davantage les cas où cette procédure serait imposée, par exemple pour les seuls cas les plus sensibles où l'entreprise le demande elle-même ou bien lorsque des référentiels internationaux sur les pays ne permettent pas de se déterminer objectivement sur celui-ci. J'aimerais vous entendre à ce propos.

Plus globalement ne doit-on pas craindre que la liste des pays concernés par l'accord préalable ne se transforme dans les faits en liste noire strictement wallonne qui risquerait évidemment de nuire à l'image de la Wallonie a contrario avec les embargos généraux qui auraient pu être décidés au niveau international. Des États seraient ainsi considérés partiellement suspects aux yeux de la seule Région wallonne en dehors de tout embargo ou limitations officielles et internationales les concernant. Ne va-t-on pas ainsi imposer un handicap concurrentiel majeur à nos entreprises? Ne doit-on pas dès lors craindre que ces pays ne veuillent même pas amorcer de négociations avec nos entreprises? Cela ne risque-t-il pas en outre de rejaillir sur l'ensemble de notre secteur économique et industriel tous secteurs confondus. En effet, on peut craindre que nos liens commerciaux soient largement affectés vis-à-vis des pays qui tomberaient sous le coup de cette liste wallonne.

Quoi qu'il en soit, indépendamment des pays et des dossiers qui seront visés par l'accord préalable, comment cette procédure s'exécutera-t-elle concrètement ? Quelles en sont les indispensables garanties afin que la région puisse apporter au secteur un niveau de confidentialité important, mais aussi un traitement rapide des dossiers.

On le sait, des problèmes de délais, de retards sont des handicaps pour les entreprises. Qu'en sera-t-il des délais de traitement des demandes ? Quels seront les délais dans lesquels l'administration pourra travailler ? Cela est d'autant plus vrai que les entreprises doivent faire face à des impératifs de concurrence, de confidentialité, de flexibilité, bref des impératifs de marchés parfois fort éloignés des pratiques administratives habituelles. Bref, qu'en est-il de l'applicabilité réelle des mesures prévues par rapport aux caractéristiques particulières de ce secteur ?

De manière plus globale, l'industrie peut-elle être en tout cas rassurée des risques que cette modification de procédure risque d'entraîner au niveau des délocalisations, des pertes d'emplois. On entend généralement ce discours de part et d'autre que ce soit dans le chef des employeurs que dans le chef des travailleurs du risque de départ de certaines entreprises et quand on sait que les trois quarts de celles-ci sont en fait capitalisées par des capitaux étrangers, quel est le risque, pensez-vous qu'il va y avoir des incidences sur la modification de ces règles de procédure ?

Voilà, Monsieur le Ministre-Président, quelles sont les questions que j'entendais porter à votre connaissance aujourd'hui afin d'obtenir des réponses et surtout donner un signal clair à l'intention des travailleurs du secteur de l'armement sur la volonté qui a été exprimée par cette majorité Olivier, en définitive, de soutenir le secteur, de répondre aux préoccupations qui étaient les nôtres, en tout cas de pouvoir exercer un certain contrôle sans constituer un frein à l'exportation, mais tout en ayant des considérations d'ordre éthique qui doivent évidemment guider notre raisonnement au regard des événements que nous pouvons connaître aujourd'hui, par ailleurs douloureux, en Libye.

Voilà, Monsieur le Ministre-Président, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance aujourd'hui.


Réponse de M. Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon


Il est vrai que ce n'est pas la première fois qu'on a l'occasion d'aborder ce dossier que vous avez qualifié vous-mêmes de difficile et qui porte sur des licences d'exportation octroyées en 2009 qui autorisent une transaction tout à fait spécifique au profit de l'armée libyenne.

Depuis que cette décision a été prise, j'ai été interrogé sur son bien-fondé, sur les circonstances ou encore sur sa validité. Plus tard, à l'inverse, certains se sont inquiétés de savoir si le Gouvernement wallon n'était pas responsable de la non-signature d'un « super contrat» - je cite M. Miller - de 111 millions d'euros au profit de la Libye.

Aujourd'hui encore, on me demande dans le même temps, si j'ai été suffisamment strict dans la gestion du dossier, compte tenu de la situation en matière de droits de l'homme et si je ne crains pas que des mesures trop strictes portent préjudice aux entreprises wallonnes et n'induisent des délocalisations.

Beaucoup de choses ont été dites dans ce dossier, et d'ailleurs de manière légitime. La décision en ce domaine est toujours une décision difficile parce qu'elle ne porte ni sur le champ de l'économie pure ni sur celui de l'éthique, mais bien sur un arbitrage constant entre ces éléments. Des arguments qui sont totalement contradictoires quand on les écoute, juxtaposés les uns aux autres, tantôt en faveur de la licence, tantôt en entendant que cette licence ne devait pas être accordée.

J'entends aussi à un autre niveau de pouvoir, que les affaires étrangères ont laissé sous-entendre par l'expression qui a été utilisée, je la reprends : « On ne régionalise pas la conscience », qu'en quelque sorte, si la matière avait été laissée au niveau fédéral le problème de conscience ne se serait pas posé de la même manière. Je pense que c'est un raccourci. Les deux mots « je pense » sont une litote.

Nous sommes ici devant un Gouvernement fédéral qui a, lui-même, parlons du contexte dans lequel les décisions globales sont prises, rencontré le Colonel Kadhafi et qui a estimé que son pays et son régime étaient redevenus fréquentables.

C'est également, pour parler du Gouvernement fédéral et de la conscience attachée au niveau de pouvoir, singulièrement ces autorités qui siégeaient en mai 2010 - près d'un an après l'octroi des licences wallonnes - à l'Assemblée générale des Nations Unies en soutenant l'idée de l'entrée de la Libye dans le Conseil des droits de l'homme de l'ONU.

En novembre dernier, c'est également le même Gouvernement fédéral, avec son Premier ministre et son représentant en charge des matières internationales, en tête, qui participent au nom de l'Union européenne, dont on assume la présidence à l'époque, au 3e Sommet Afrique-Union européenne, organisé, sous présidence belge, en Libye.

Voici quelques jours à peine, figurait encore à l'ordre du jour des cahiers de mission du gouvernement, une mission économique princière, en Libye, en 2012. On voit, en rappelant tout cela, que je ne cherche pas à stigmatiser notre Gouvernement fédéral, je ramène tout simplement le débat dans des balises qui sont un peu plus raisonnables en termes de jauge de ce qu'est la bonne conscience.

Si on se porte sur la question de cette jauge, il faut aussi se souvenir avec quelle conviction, nous avons vu des chefs d'État de grands pays voisins qui utilisent une des trois langues nationales de Belgique, plaider en faveur de la réhabilitation de la Libye, signant d'ailleurs d'importants contrats dont je ne présume pas, parce qu'ils ont été signés, que les nôtres sont ou pas délivrables. Mais je contextualise, c'est important. Ce matériel, quels que soient ceux qui l'ont livré au départ, entre effectivement dans le cadre de l'appréciation de la situation actuelle.

On a d'ailleurs vu aussi le président français monter au créneau pour demander, avec la même conviction, la mise en place de processus sanctionnel, je l'entendais encore ce matin. Chacun en tire les conclusions qu'il veut bien, en libre arbitre.

Mesdames et Messieurs les Députés, il est donc une question à se poser sur l'action et la réaction, de manière rationnelle, versus l'action et la réaction émotionnelle. J'ai entendu que ce débat avait traversé les rangs tant de la majorité que de la minorité ou de l'opposition puisque les lignes de partage ne sont pas extrêmement claires.

Dans ce dossier, il est légitime d'être indignés face au spectacle d'une dictature qui s'en prend à son peuple. Donc, là, ceux qui se battent pour la liberté et leurs droits fondamentaux, en étant combattus par un régime autoritaire, dictatorial, comme celui-là, ne peuvent pas ne pas susciter d'émotion. Je rejoins donc les propos qui ont été tenus par plusieurs d'entre vous tout à l'heure pour dire qu'il y a une légitimité à réagir de cette manière.

Mais il est aussi légitime de vouloir tirer des enseignements à la lumière d'événements qui, aujourd'hui, sont effectivement de l'ordre de ce qui n'avait pas été prévu, des événements qui démontrent que la communauté internationale, dans son ensemble, a mal apprécié la situation - je pourrais même dire qu'elle s'est trompée - en croyant amendable ou partiellement amendable le régime du colonel Kadhafi et donc par là, d'imaginer aussi qu'il était possible, de réintégrer progressivement, comme le pari a d'ailleurs déjà été fait à l'échelle planétaire avec d'autres régimes, le concert des nations honorables.

Pour autant, je ne pense pas qu'il faille remettre en cause l'activité d'un secteur important de notre économie, ni la rigueur avec laquelle le Gouvernement wallon, entrant dans le dossier, assure la gestion de la compétence «armes» avec beaucoup de sérieux depuis qu'elle lui a été transférée, depuis quelque six ans maintenant.

En novembre 2009, nous avons déjà eu un long débat et je ne vais pas revenir sur un certain nombre d'éléments portant sur les circonstances précises qui ont conduit à autoriser une transaction spécifique à destination de la Libye. Je vous ai communiqué à la fois la chronologie et tous les éléments du dossier qui étaient en ma possession au moment où cette décision devait être prise.

Une toute petite incise pour M. Miller en disant que ce jour-là, j'ai dit que tous les contrats initiés dans ce cadre avaient effectivement, y compris avec l'autorité fédérale et les autorités d'autres pays européens, pris des avis convergents dans le cadre d'une approche certes prudente, mais à tout le moins positive de ce pays de destination. C'est ce que j'ai dit et je le confirme.

En outre, quelle est la relation de l'autorité wallonne à l'autorité fédérale ? J'ai rappelé ce que d'aucuns connaissent autour de cette tribune, ce qu'a dit M. Michel, cette compétence a été transférée à l'époque - souvenez-vous des problèmes posés autour du dossier du Népal - à l'autorité régionale parce que c'était un dossier qui avait, à chaque fois des relents communautaires. Et sur ce plan, il y a donc eu, après transfert de la compétence, un certain nombre de mécanismes mis en place.

Quel est le point important pour nous ? C'est de veiller à ce qu'il y ait une coordination qui existe au moins sur la manière dont on rencontre ou entre en confrontation avec les intérêts et les objectifs internationaux de la Belgique - c'est ce que prévoit cet accord de coopération. Là-dessus, nous avons effectivement demandé informellement, à travers des contacts au fédéral, ce dont nous devions nous prémunir comme position.

À l'époque, nous avons eu une recommandation qui était de veiller à ce qu'un sujet délicat posé sur le plan international - et que j'ai d'ailleurs suivi quand j'étais moi-même ministre de la santé - à savoir celui des infirmières bulgares soit résolu. C'était la condition préalable. Une fois cette situation des infirmières bulgares tranchée, il n'y avait pas a priori de veto du fédéral. Cette question est d'ailleurs apparue à différents moments dans les concertations. Où se concerte-t-on ? Il y a notamment un organe que certains ont cité, tout à l'heure qui est celui du COARM puisque vous savez que nous avons besoin d'une concertation intra-belge pour y porter notre voix. Or, en 2007 et en 2008, la position belge n'est pas négative sur la Libye quand elle a fait l'objet de cette discussion.

Et puis viennent une série de consultations par un mécanisme que vous connaissez également qui est celui du COREU. C'est donc le contact via notre autorité fédérale sur des questions qui ont trait à des problèmes internationaux. Ici, par exemple, c'était le cas encore en janvier 2009, sur la question de la consultation de la Grande-Bretagne, souvenez-vous ce que j'ai déjà eu l'occasion de commenter à l'époque devant cette commission. Sur cette base, nous avons demandé un COREU à l'endroit de la Grande-Bretagne et les COREU sont portés par l'autorité fédérale.

Étant donné la nature tout à fait publique du débat, souvenez-vous de ces longs mois de latence durant lesquels on disait : « Mais on ne se prononce pas », on ne peut pas dire non plus que le Fédéral n'avait pas l'information . Cela, c'était, Monsieur Miller, pour vous donner plus de précisions. Sachant aussi que nous ne demandons pas l'autorisation au fédéral pour la raison que je vous ai décrite. Donc, il n'y a là aucune ambiguïté, je contextualise simplement.

Ensuite, il y a un élément sur lequel je voudrais en arriver, en vous disant qu'on a convenu de la mise en place de procédures, lors de ces discussions de novembre 2009, plus strictes, avec des débats qui ont déjà été tranchés entre nous. Sur l'accord préalable, il y a eu unanimité, tous partis confondus.

La deuxième question qui a été abordée ce jour-là concerne la détention publique de la Fabrique nationale. Nous terminions par cette question : est-il utile de maintenir dans le giron de la région cet outil qu'est la FN ? Et ce jour-là, personne n'est intervenu en commission pour dire : « Il y a légitimité ou il y aurait besoin ou opportunité de céder la Fabrique nationale pour qu'elle ne soit plus dans le giron public ». Je le rappelle parce que parfois ce que l'on dit par la négative est également utile.

Ce débat avait posé la question et on n’avait pas conclu cela. Je le rappelle parce qu'avec la distance, les faits sont parfois moins clairs et comme la plupart des acteurs qui étaient là lors de cette commission, sont autour de la table, si c'était inexact, ils pourraient le démentir.

Ma position sur les différents sujets abordés ce jour-là n'a pas changé. Depuis que j'exerce la responsabilité de cette compétence délicate, j'ai toujours voulu faire en sorte qu'il y ait quatre éléments qui soient dans la prise en compte d'une décision.

D'abord, l'analyse approfondie au regard des questions posées par le code de conduite européen. La deuxième chose, c'est l'étude, au cas par cas, des demandes en regardant quelles sont les spécificités de ces cas. La troisième, c'est l'existence d'une jurisprudence européenne, notamment quand je parlais du COREU tout à l'heure et de la consultation de la Grande-Bretagne, c'est précisément dans ce cadre puisque c'était un contrat qui ressemblait à celui-là : même auteur en termes de montants, mais dont le contenu portait sur des kalachnikovs avec un intermédiaire à haut niveau. Et, puis, enfin, c'est l'avis des experts en leur demandant de faire preuve d'indépendance et de discernement.

En d'autres termes, toutes les décisions relatives à cette matière ont toujours été prises conformément à la législation belge, au Code de conduite européen, à l'avis d'experts et, bien entendu, à l'attitude de nos partenaires européens.

L'année où les licences wallonnes ont été accordées, il faut aussi savoir dans quel monde nous vivions. Je parle ici de l'Union européenne, pas de pays non démocratiques hors du giron de notre Union européenne, cette année où nous avons délivré les licences, pas moins de 283 licences européennes ont été octroyées à la Libye impliquant pas moins de 14 pays différents, parmi lesquels le Royaume-Uni, mais aussi l'Autriche et l'Allemagne - pourtant réputée pour sa politique extrêmement sévère - qui ont pris des décisions favorables.

En ce qui concerne les armes légères, 9 licences européennes ont été accordées à la Libye en 2009, en dehors des licences wallonnes, et une seule transaction a été refusée.

Ce refus a fait l'objet de deux consultations wallonnes menées auprès des autorités britanniques et pour rappel, ces consultations, c'est ce que je disais tout à l'heure, avaient également montré que le Royaume-Uni avait refusé 130 000 exportations de types kalachnikov, toujours par le biais d'un intermédiaire, ce n'était même pas des armes produites sur le territoire anglais.

Par ailleurs, en dehors de toute obligation liée au Code de conduite européen, j'ai également mené, quelques semaines plus tard, à partir de ces éléments prérequis d'évaluation, le processus jusqu'au bout en annonçant ma décision. En outre, il y avait aussi eu une consultation informelle que j'ai faite aussi auprès des autorités françaises. Souvenez-vous des discussions que nous avions sur la manière de travailler en France, j'ai donc également consulté informellement la France pour savoir quelle était leur attitude par rapport à ce dossier libyen.

En outre, toutes les armes wallonnes concernées par les licences ont fait l'objet d'un marquage indélébile au laser, ce qui était d'ailleurs un des problèmes aussi puisque ces armes n'étaient utilisables, à la fois avantage et problème, que par son destinataire en l'occurrence le 32e bataillon de l'armée libyenne et c'est un gage, en parlant du Code européen, de la traçabilité d'inscription.

Vous le voyez, toutes les précautions utiles et nécessaires ont été prises à cette période et elles ont conduit à la décision que vous connaissez, une décision conforme à la position internationale de l'époque, mais aussi et surtout au Code de conduite européen.

Un Code de conduite que les organisations de défense des droits de l'homme considèrent comme une avancée importante en matière de contrôle des exportations de matériel militaire et dans lequel la Wallonie s'est inscrite comme région depuis le début.

J'en viens maintenant aux événements qui ont éclaté ces derniers jours et aux différentes questions qu'ils suscitent.

Dans un premier temps, des craintes concernant l'utilisation possible d'armes wallonnes dans le cadre de la répression ont été émises par un certain nombre d'acteurs. On sait aujourd'hui que ces craintes étaient malheureusement fondées.

Que pouvait faire le Gouvernement wallon pour apaiser ces craintes? D'abord, depuis juillet 2010, nous avons eu la certitude que les armes étaient bien arrivées à destination du 32e Bataillon de l'armée libyenne et n'avaient pas été détournées au cours de l'exportation. Cette certitude a été étayée par un document officiel, que l'on nomme «Certification de Vérification des Livraisons», et qui a été signé par les autorités libyennes. Elle fut, en outre, confirmée par l'émargement des licences opéré par les services douaniers. À partir de cette certitude, le risque de détournement primaire n'existait plus.

En revanche, le risque lié à une utilisation abusive des armes par l'armée libyenne et le risque que ces armes tombent entre d'autres mains demeurait toujours réels. C'est pour nous prémunir contre le premier de ces deux risques que j'ai demandé à notre ambassadeur à Tripoli de me donner des informations sur l'état de la situation dans le pays et sur le risque que des armes wallonnes puissent être utilisées, dans ce contexte, contre des populations civiles.

On connaît malheureusement, aujourd'hui, la réponse à cette première question. Au lendemain de cette demande, un film vidéo diffusé sur internet montrait une personne, sans doute un civil, brandissant une arme fabriquée par la FN Herstal. Si ce document est vrai, il démontre que les armes ne se trouvent plus entre les mains du 32ème Bataillon. C'est le second risque de détournement et sur la base de ces deux informations, il est devenu évident que les armes wallonnes ont été détournées et que la Libye n'a pas été en mesure de respecter son engagement international.

C'est pourquoi, j'ai immédiatement demandé au Ministre des Affaires étrangères d'entreprendre, de toute urgence, les démarches officielles nécessaires pour permettre une prise position des instances européennes, notamment dans le cadre de la politique étrangère et sécurité commune (PESC) et aussi dans le cadre de COARM.

Dans le même temps, j'ai exprimé mon souhait de voir adopter par l'Union européenne des mesures concrètes qui visaient à interdire toute exportation de matériel militaire à destination de la Libye. En clair, j'ai appelé à ce que soit décrété un embargo sur les armes.

En droit international, quand un État ne respecte pas ses engagements, le rôle de la Communauté internationale consiste, en effet, d'abord à constater la faute, puis à envisager des sanctions appropriées à l'encontre de cet État.

Concrètement, c'est ce que fait l'Union européenne qui envisage un gel des avoirs de Kadhafi, un blocage de l'espace aérien et un embargo. Ces mesures devraient être effectives dans le courant de cette semaine.

Par ailleurs, on a découvert que des munitions fabriquées par la FN Herstal ont été utilisées à El Breïda, la troisième ville du pays. Nous avons vérifié sur base des douilles retrouvées sur place et du marquage figurant sur celles-ci qu'il s'agit de calibre 7.62, sans doute livrées dans les années 80, probablement sous le couvert d'une licence belge.

Alors, pour dissiper toute équivoque, les licences octroyées en 2009 ne portaient pas non plus sur les licences de ce calibre, je préférais le répéter.

J'en viens maintenant à certains aspects spécifiques qui ont été soulignés dans le détail de vos questions.

Comme je le disais, ici même, fin 2009, et comme je le rappelais il y a quelques instants, j'ai toujours adopté la même rigueur et la même prudence à l'égard de tous les dossiers en appliquant les mêmes méthodes et critères d'analyse.

Il n'en a pas été autrement, en 2009, dans le cadre du dossier de la Libye qui impliquait une analyse nuancée. À l'époque, je me souviens de la déclaration de Monsieur Bernard Adam, directeur du GRIP, qu'on ne peut accuser de complaisance en matière de vente d'armes. On a cité des segments de cette déclaration, permettez-moi d'en donner un autre.

Monsieur Adam déclarait, quelques semaines avant ma décision, à propos de ce dossier : « La Région wallonne est, dans tous les cas, dans une position délicate: elle doit trancher dans un dossier qui n'est ni tout blanc ni tout noir. On ne peut nier que la Libye évolue dans le bon sens en la matière ».

Ce qui n'est d'ailleurs pas contredit du tout par Monsieur Eric David dont on nous a fait la lecture par le texte, c'était, je crois, le fait de Luc Tiberghien. Puisqu'on en est à l'exégèse, je voudrais en revenir également au texte et rappeler que plus personnellement, le professeur David, qui est quand même une référence dans le droit international, ne pense pas que l'on puisse dire que la Région wallonne ait commis une faute même si à l'époque la Libye n'était pas un modèle de démocratie et que les opposants politiques étaient enfermés. Ces violations n'étaient pas propres à la Libye, un tiers de la communauté internationale au minimum le faisait. Il n'y avait pas de tension véritable entre le régime et l'opposition, le risque que les armes soient utilisées comme aujourd'hui n'était pas aussi évident, affirmait-il encore.

On voit dans que les propos de MM. Adam et David témoignent de cet aspect délicat, complexe, ni blanc, ni noir, mais dans lequel il y avait, au regard du droit international, une légitimité à décider comme je l'ai fait.

En ce qui concerne maintenant les autres éléments, je voulais en revenir sur la déclaration que je viens de relire en vous disant qu'après avoir pris en compte les différents éléments, le poids des éléments positifs au regard de ceux qui ne l'étaient pas a fait pencher la balance.

En ce qui concerne cette décision et compte tenu à la fois de la jurisprudence européenne et de la spécificité du matériel concerné, je pense donc vous avoir tout dit. De même, je me suis déjà exprimé sur la validité d'une telle décision en période d'affaires courantes. En l'occurrence, je serai d'autant plus court que je ne souhaite pas déplacer un débat juridique non encore tranché sur le terrain parlementaire.

De même, je ne serai pas plus précis aujourd'hui au sujet d'un autre contrat dont on a dessiné les contours tout à l'heure, signé avec la Libye sur lequel on m'interrogeait, c'est le 1,3 milliard des Russes. Ne disposant pas d'informations spécifiques sur sa nature et dans l'hypothèse où effectivement ce contrat existe bien, rien n'indique non plus qu'il concerne du matériel qui est au départ de nature comparable avec celui fabriqué ici.

En toute hypothèse je voudrais dire une chose importante : au vu du contexte, ce contrat est pratiquement caduc, compte tenu du fait que la situation extrêmement grave que connaît aujourd'hui la Libye ne permet pas sa mise en œuvre.

Sur l'harmonisation des procédures au plan international, je voudrais quand même revenir sur quelques éléments. Cette question m'amène évidemment à aborder un sujet qui est aussi extrêmement important, à savoir celui de la manière, posée notamment par M. Jeholet tout à l'heure, de réaliser l'harmonisation des procédures et des critères d'analyse au plan international.

À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de vous dire tout le bien que je pense du Code de conduite européen, je le répète. Il fait référence dans le cadre de notre gestion quotidienne de la matière des armes d'outils.

Comme vous le savez, bon nombre d'observateurs, notamment issus d'ONG, ont considéré et continuent à considérer que cet instrument est extrêmement utile, qu'il nous donne des garanties contre la prolifération et qu'il est sans doute l'outil le plus abouti en matière d'exportations d'armes à l'échelle mondiale.

On peut donc se réjouir qu'il devienne prochainement juridiquement contraignant, qui est l'étape prochaine, en ayant fait l'objet d'une position commune au niveau européen.

Pour rappel, l'intérêt du Code de conduite européen tient notamment au fait :
• qu'il permet une uniformisation des critères d'analyse des dossiers entre les pays signataires ;
• qu'il favorise l'organisation, à intervalles réguliers, d'échanges de vues sur l'appréciation globale des différents États européens à l'égard de destinations sensibles ;
• qu'il induit le développement d'une certaine jurisprudence en matière de décisions, notamment par la publication immédiate de tout refus et par l'obligation pour tous les membres de l'Union européenne de prendre ces refus en considération dans leur propre analyse portant sur des demandes globalement identiques.

Plus de dix ans après son adoption, cette référence a fait preuve de son efficacité et elle s'impose comme un succès dans les 33 pays qui l'ont adoptée : il s'agit des 27 pays État membres de l'Union, mais aussi la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, l'Islande et la Norvège. Je n'oublie pas non plus le Canada qui illustre le caractère exportable de ce document à vocation universelle. Cette norme est une avancée qui, indéniablement, est très significative.

C'est aussi une avancée en matière de transparence, dans un secteur où elle est évidemment un point nodal par rapport au respect des valeurs liées aux droits de l'homme, mais aussi en matière de cohérence des politiques nationales ou régionales. Il va sans dire que la transposition de cette directive européenne à l'échelle mondiale serait indispensable pour se donner un même cadre sachant que pour permettre non seulement une réelle harmonisation internationale des critères d'analyse, mais aussi favoriser une réelle convergence dans les décisions, nous devons nous référer aux mêmes dispositions et ça, cela n'a rien de lié exclusivement à l'approche «droit de l'homme» que je vous décrivais, mais également donne un ancrage aux règles de concurrence identiques offertes au secteur sensible de l'armement.

C'est pourquoi je me réjouis de la volonté des Nations Unies d'aboutir à la signature d'un traité sur le commerce des armes qui devrait permettre l'instauration d'un code de conduite mondial cette fois-ci.

Ceci étant, nous devons aussi faire preuve, ici et maintenant, de lucidité, car même si la volonté d'aboutir est, je le pressens, bien présente, il ne sera pas facile d'accorder rapidement 150 pays autour de ce thème.

J'en viens à notre réglementation, ici en Wallonie, pour vous dire qu'en ce qui nous concerne, la réflexion est à l'œuvre.

Et c'est précisément au terme de plusieurs mois de discussions et de concertations, de débats, de dialogues associant entreprises, fédérations professionnelles, ONG, experts en armement, que le Gouvernement wallon est parvenu à finaliser la réforme des procédures d'octroi des licences d'exportation que le Parlement aussi appelait de ses vœux. Je vous rappelle les demandes qui ont été encore formulées il y a une quinzaine de jours, mises en exergue par plusieurs d'entre vous en disant « Monsieur le Ministre-Président, on vous attend sur ce thème », ce thème qui n'est pas un thème improvisé dans le cadre de la crise du Maghreb du Proche-Orient, mais qui fait bien l'objet d'un long continuum de discussions, indépendamment du contexte émotionnel dont on a parlé tout à l'heure.

Cette réforme consacre le nécessaire équilibre entre trois préoccupations distinctes, mais pas antagonistes:

• les relations diplomatiques de la Wallonie ;
• le soutien à l'activité économique ;
• et, bien sûr - comment oublier ce qui aurait dû être le premier point que je devais lire -, le respect des libertés fondamentales.

Concrètement, elle vise, pour cela, à mettre en place un mécanisme d'octroi plus moderne, en garantissant notamment le respect des principes éthiques, mais aussi en procurant un maximum, ne l'oublions pas, de sécurité juridique et de prévisibilité aux entreprises wallonnes actives dans le secteur de la défense.

Une nouvelle procédure renforce les garanties déjà données en matière de droit de l'homme, mais en donnant dans le même temps un volant de sécurité plus ample aux entreprises, qui ne peuvent être placées dans une position d'infériorité concurrentielle. Il s'agit d'une demande qui a été formulée par au moins trois d'entre vous dans leur expression tout à l'heure.

Le Gouvernement wallon confirme donc sa volonté de demeurer à la fois un garant vigilant de la norme et un partenaire des entreprises dans un domaine industriel important pour la Wallonie. Je vous dirai donc un mot des nouvelles procédures pour venir sur le contenu, en dehors de ce contexte qui a été rappelé.

Le Gouvernement wallon pourra être confronté à 5 types de situations différentes auxquelles va s'appliquer un traitement spécifique des demandes de licences. Cette évolution traduira une gradation dans le traitement. Plus la demande est présumée sensible, plus la procédure sera entourée de garanties. À l'inverse, plus le destinataire a des relations habituelles avec la Wallonie, plus la procédure sera souple et rapide.

En outre, nous allons établir désormais, pour chacune des procédures définies, un délai de traitement maximum des demandes de licences.

Quels sont ces cinq types de situation?

Je vais commencer par ceux pour lesquels il est clair que la réponse est donnée très rapidement : les pays sous embargo. La licence est refusée d'office.

Ensuite, il y a le pays qui sort d'un embargo et qui n'a pas de relations commerciales avec la Wallonie, par définition. Une nouvelle procédure est alors mise en place, celle dont j'utilisais tout à l'heure l'expression de « requérant l'accord préalable». On va la mettre en œuvre, comme elle est d'ailleurs déjà utilisée aujourd'hui dans d'autres pays, si on faisait référence à la France, en novembre 2010, en refaisant l'examen de ces questions. Elle sera évidemment utilisée avec nos spécificités.

Elle fut également préconisée, je le rappelle, ici même, sur le dossier Libye, recommandée par l'ensemble des partis. J'ai voulu le resouligner.

Pour les entreprises, l'accord préalable doit permettre de réduire au minimum le risque de voir, ensuite, une licence refusée. Cela veut dire que seuls des éléments nouveaux d'importance pourraient justifier un nouvel examen approfondi du dossier.

Le but poursuivi par cette double démarche - cela va dans le sens de ce qui M. Tiberghien disait tout à l'heure : « Un accord préalable ne veut pas dire un refus », au contraire, quand on a un accord préalable, on a des éléments substantiels qui permettent d'éviter qu'on soit devant des situations ambigües - est d'éviter de mettre en difficulté une entreprise qui, après la signature d'un contrat, se verrait refuser la licence que celui-ci requiert.

Cette procédure s'appliquera à un certain nombre de cas tout à fait spécifiques. Au regard de notre expérience, l'accord préalable ne devrait être appliqué que dans un nombre extrêmement limité de cas. Je ne vais pas ici le quantifier en pourcentage, mais je peux dire qu'il serait extrêmement minoritaire.

Les rapports annuels et semestriels démontrent que le rayon d'action actuel de nos entreprises est déjà très vaste et que les relations commerciales de nos entreprises avec leurs principaux clients sont particulièrement stables et durables.

Il y a un troisième paquet de pays, il s'agit des pays membres de l'OTAN, de l'OCDE ou de l'Espace économique européen. Là nous créons un nouveau mécanisme, favorable aux traitements rapides par nos services et donc aussi utile aux entreprises : c'est le fast track.

De quoi s'agit-il ? Dans le cas précis des pays dont je viens de parler, en un mois, l'affaire doit être bouclée. Dans les procédures anciennes, rappelons que l'un des problèmes était qu'il n'y avait aucun délai de référence. Nous travaillions sans filet. Donc, la sécurité juridique pour les entreprises, le référentiel est totalement évident.

En ce qui concerne la quatrième catégorie, il s'agit de la catégorie aux antipodes des pays sous embargo, ce sont les pays membres de l'UE. Que se passe-t-il pour eux ? Ces pays-là n'auront plus besoin de licence. Clairement, pour ces pays, c'est du direct, on n'a pas plus besoin de licence.

C'est pour dire que quand le monde des entreprises, quand le monde des représentants des organisations des travailleurs pense que dans les mécanismes il y a un certain nombre de choses qui pourraient leur être préjudiciable, j'apporte, par les nuances et le détail des procédures, la démonstration que, au contraire, nous avons toujours veillé à la fois au respect des droits et de l'éthique, mais aussi à l'accélération des procédures, au traitement plus sûr sur le plan juridique.

Je termine par tous les pays qui n'appartiendraient à aucune des catégories dont je viens de parler.

Il s'agit là d'une procédure de licence améliorée, qui implique une commission d'avis, qui, mesdames et messieurs les parlementaires, a déjà fait l'objet de discussions entre nous. Et nous avons tiré les conclusions du débat parlementaire sur ce thème pour redéfinir la composition de cette commission, nous aurons l'occasion de revenir sur son contenu.

Cette commission va effectivement devoir travailler dans un délai, par rapport à ces dossiers-là, de maximum deux mois. Vous voyez que nous ne sommes pas dans des logiques de temporalité extrêmement souples et vastes. Nous sommes dans un délai de deux mois.

Sur la nouvelle composition de la commission, je vous en dis quand même un petit mot qui vous intéresse. Elle est composée de :

• 2 représentants de WBI ;
• l'Administrateur général de l'AWEx ;
• un haut fonctionnaire - ce qui répond à un souci émis par d'aucuns - francophone de la défense nationale (par rapport au niveau fédéral) ;
• un haut fonctionnaire francophone du SPF Affaires étrangères ;
• le Directeur général « Economie » du Service public de Wallonie;
• le délégué à Genève pour les organisations internationales et les questions bilatérales;
• et deux experts (l'un en économie et l'autre en droit international) désignés par le Gouvernement.

Vous voyez que, dans cette structure à configuration de 9 membres, l'objectif est que la composition de la Commission permette le traitement des dossiers dans une logique d'équilibre en recourant le moins possible à des experts intérieurs puisqu'on retrouverait tout le spectre des sensibilités qui peuvent effectivement permettre un arbitrage en toute transparence.

Sachant que nous n'avons pas oublié, mesdames et messieurs les parlementaires, vos suggestions sur les mécanismes de contrôle parlementaire.

Qu'avons-nous fait ? Nous avons veillé à ce que le décret puisse garantir que les pays concernés par un octroi ou par un refus de licence soient repris dans le rapport semestriel - demande explicitement formulée par vous - au Parlement wallon, moyennant la confidentialité. Nous resterons donc évidemment dans les balises que vous comprendrez et connaissez d'ailleurs en traitement interne des données commerciales.

De façon à rendre le rapport annuel encore plus complet, et conformément à la DPR, nous aussi voulu avancer.

Comment avons-nous fait ? Nous allons livrerons dans celui-ci, en plus de tous les éléments qui ont déjà fait l'objet d'une amélioration, puisque nous avons déjà commencé à donner plus d'informations, nous allons poursuivre en vous transmettant:

• les pays de destination pour les licences d'exportation refusées;
• les pays concernés par les licences de transit (question qui a été également posée, notamment par vous, Monsieur Miller) ;
• et les précisions portant sur le matériel exporté sur base des 22 catégories de la liste militaire de l'Union européenne.

Enfin, le rapport annuel mentionnera les raisons de politique générale qui ont conduit celui ou celle qui a la charge de la délivrance des licences d'expliquer, au cas où il ou elle aurait fait le choix de s'écarter de l'avis de la commission, les motifs pour lesquels il ou elle l'a fait. Ainsi, on donne, je crois, réellement un accès au maximum d'informations.

Ma conclusion sera pour la situation économique de l'industrie wallonne de l'armement.

J'ai parlé de nombreuses choses, mais je voudrais qu'on se base sur le nombre des licences octroyées et sur les statistiques publiées au niveau européen. Il apparaît que nos entreprises restent particulièrement concurrentielles et compétitives.

Notre pays occupait, en 2009, la 9e place au classement des principaux exportateurs européens. La Belgique est même en tête du classement européen des exportateurs d'armes à feu militaires.

Récemment, la FN Herstal a remporté un contrat d'une valeur avoisinant les 100 millions d'euros pour la livraison à l'armée française des 10 881 mitrailleuses MAG. Ce contrat est une excellente nouvelle pour l'entreprise et la région, il devrait fournir du travail pendant huit ans à plusieurs dizaines (voire centaines) de travailleurs wallons.

Par ailleurs, entre 1 600 et les 10 000 fusils Scar de fabrication wallonne seront produits au profit de l'armée américaine.

Ces exemples, je dis bien ces « exemples », je ne dis pas avoir été exhaustif, démontrent que l'excellence technologique de nos entreprises est réelle et qu'elle se traduit aussi par d'importants contrats synonymes d'emplois pour la Wallonie. Ils démontrent que la rigueur et l'existence d'un cadre juridique strict n'empêchent pas la bonne tenue économique de nos entreprises. C'est précisément sur cet équilibre subtil, complexe, qu'a travaillé le Gouvernement wallon dans ces composantes majoritaires et qui vous sera présenté par le détail dès que nous aurons formalisé ce document, mais je crois avoir été aussi complet que possible sur son contenu à ce stade.

Réplique de M. Fourny (cdH)


Je remercie Monsieur le Ministre-Président pour la réponse exhaustive qu'il nous a fournie. Je vais lier les éléments d'assurance qu'il a pu apporter aux éléments de procédure renouvelés ou améliorés qui ont été négociés ces derniers mois et qui vont être mis en œuvre au travers d'un décret à venir.

Je réitère, puisque le texte n'est pas encore finalisé sous ses derniers angles et derniers carats, qu'il faudra rester attentifs pour assurer une sécurité juridique maximale à l'égard du secteur, je pense que c'est important, que les délais sont un élément très important d'un point de vue concurrentiel pour les entreprises au niveau des demandes et des sollicitations qui sont formulées, et l'élément de la confidentialité doit être un élément entouré de toute sécurité afin d'assurer que cet élément indispensable dans le commerce des armes et au niveau de l'entreprise de l'armement, soit entouré de toutes les garanties utiles. À ce stade, je vous invite vraiment à peaufiner le texte en ce sens en tenant compte de ces trois remarques complémentaires que je me permets de reformuler.

Pour le surplus, je suis en tout cas satisfait que l'appel qui a été lancé par les différents parlementaires lors de la séance du mois de novembre ait été entendu par le gouvernement et que les différents points soulevés soient rencontrés au travers du texte que vous déposez.
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