Le projet de carrière à Hemptinne – Florennes
26 janvier 2009 │ Interpellation de M. Michel LEBRUN à M. le Ministre André ANTOINE
Voici quelques jours la presse revenait sur le projet de Carmeuse de développer dans le village de Hemptinne une carrière sur plus de 120 hectares.
Le Bourgmestre de Florennes, Stéphane Lasseaux, regrettait les avis globalement positifs de la CRAT et du CWEDD en ce qui concerne la modification du plan de secteur en vue d’inscrire une zone d’extraction à Hemptinne/Saint-Aubin.
Certes ces avis ne sont pas récents mais la commune n’en avait pas encore reçu la teneur officiellement. A cet égard, il faut rappeler que tant l’ancien que le nouveau conseil communal de Florennes et de Walcourt se sont prononcés à l’unanimité contre ce projet de carrière.
Les avis de la CRAT et du CWEDD, s’ils sont qualifiés de positifs, émettent pourtant une série de réserves sur l’exploitation de la carrière qui devra encore faire l’objet ultérieurement d’une demande de permis unique.
Ainsi, il faudra être attentif à la valorisation des eaux d’exhaure par rechargement de la nappe ou par cession à un distributeur d’eau.
En effet, en raison de l’activité des deux autres carrières toute proches, la nappe phréatique est surexploitée. Cela comporte une série de risques qu’il ne faut pas sous-estimer.
D’une part, le tarissement des sources et captages :
La SWDE a d’ailleurs fait savoir à la DGATLP que ses cinq prises d’eau à cet endroit sont d’une importance capitale pour l’alimentation des réseaux de distribution.
D’autre part, les effondrements karstiques :
Ces effondrements sont nombreux dans la zone de Florennes puisque 82 effondrements sont déjà répertoriés.
A cet égard, dans un courrier de mars 2007, la Directrice générale attirait l’attention des autorités communales sur l’intense activité du karst sur cette partie du territoire et sur la relation qui existe entre ce phénomène et l’exhaure des carrières et /ou la surexploitation des nappes aquifères.
En outre, elle rappelait que le principe de précaution devait trouver à s’appliquer car « s’il s’avère que l’autorité compétente avait connaissance d’un risque majeur pour les personnes et/ou les biens et qu’elle n’a pas tenu compte des investigations qui ont été opérées en matière d’études du sous-sol ni des recommandations des experts sur les risques en question lors de la délivrance des permis, elle pourrait supporter la responsabilité civile des actes administratifs qu’elle pose ».
Enfin, je conclurai en évoquant l’avis de la Commission wallonne d’études et de protection des sites souterrains remis en avril 2008 et qui de façon surprenante ne semble pas avoir été pris en compte dans les avis du CWEDD ni de la CRAT.
Je me permets à cet égard de citer un extrait particulièrement interpellant :
« La probabilité de la formation d'effondrements karstiques autour de Hemptinne en cas d'ouverture de la carrière est bien réelle. Elle se base notamment sur les observations réalisées en janvier 2005 à l'est de Florennes (Ru des Récollets) où, suite aux pompages exercés pour l'approfondissement de la carrière Berthe, des effondrements spectaculaires s'étaient ouverts dans le lit du ruisseau. Ceux-ci ont absorbés (jusqu'à leur colmatage +/- naturel) le ruisseau des Récollets, mettant les eaux de surface en connexion directe avec la nappe. Cet évènement a été relaté dans le rapport très explicite adressé par la DGATLP au collège de Florennes (réf. Risknat2003/059) faisant état de ces effondrements et de la contrainte karstique qu'ils induisent pour l'aménagement du territoire dans cette zone.
Nous rappelons enfin que le massif visé par Carmeuse à Hemptinne est le prolongement de celui de la Carrière Berthe à proximité immédiate de Florennes. Des effondrements et une absorption du ru d'Yves (entre St Aubin et la ferme de Froidmont) nous apparaissent dès lors comme un scénario possible aux conséquences particulièrement dommageables! »
Et de conclure :
« Les impacts de l'extension des carrières autour de Hemptinne peuvent s'avérer dévastateurs. Une modification du plan de secteur allant dans ce sens nous paraît particulièrement contre indiqué pour le développement durable de cette zone et pour le maintien d'un cadre de vie de qualité. L'objet de nos remarques s'applique exclusivement aux incidences et aux aspects karstiques et hydrologiques induits par le projet Carmeuse / Hemptinne.
Vu l'absence dans l'étude d'incidence des différents éléments mentionnés ci-avant , considérant l'impact actuel des deux vastes carrières qui affectent déjà la zone et selon le principe de précaution, la CWEPSS remet un avis défavorable quant au projet de modification du plan de secteur. »
Monsieur le Ministre peut-il nous indiquer comment il entend aussi tenir compte de cet avis négatif de la CWEPSS et des éléments particulièrement inquiétants dans le cadre de la procédure de modification du plan de secteur toujours en cours.
D’avance, je vous remercie pour vos réponses.
Monsieur le Président, je voudrais remercier M. Stoffels qui a relayé les préoccupations économiques, M. Borsus qui s'est interrogé sur le calendrier de la décision, mais plus encore M. Lebrun qui nous a permis d'avoir ce débat puisque c'est lui qui a introduit l'interpellation et qui, de surcroît, a eu l'immense gentillesse de m'inviter dans la région.
Dès l'initiative de cette modification planologique, j'avais indiqué toute ma préoccupation c'est l'engagement que j'ai souscrit devant la population de Florennes sur la question de l'eau. C'est du reste pour cela que, dès le 15 janvier, ayant fait part au Gouvernement de cette préoccupation, celui-ci m'a chargé de solliciter des avis complémentaires, que ce soit de la Direction des eaux souterraines, de la Direction générale opérationnelle agriculture, des Ressources naturelles et de l'Environnement, de la Société wallonne des Eaux et de l'Intercommunale namuroise des services publics.
Une petite incise : pourquoi l'opération prend-elle tellement de temps ? C'est un peu une question sousjacente de M. Borsus. Tout simplement parce que les responsables de Carmeuse, eux-mêmes, ont souhaité, à un certain moment, que l'on suspende la procédure. En cause, il y avait les élections communales, puis il y a eu les élections fédérales.
Je ne crois pas trahir un secret en révélant cette préoccupation de l'autorité de l'entreprise. Franchement, je peux vous dire que c'est à la demande de l'entreprise elle-même.
Dans le cadre de cette préoccupation essentielle, je ne rejette évidemment pas la considération économique, mais je n'en suis pas le premier responsable. Bien sûr, il y a des considérations planologiques que la CRAT et le CWEDD doivent analyser, mais il n'empêche, la question est essentielle, sinon même vitale, tout comme la question des ressources naturelles, notamment des ressources en eau.
Et là, je dois bien reconnaître que les différents avis que nous avons reçus notamment de la Wallonne, de l'INASEP ou de la Direction générale des Ressources naturelles et de l'Environnement, sont particulièrement interpellants. En effet, il ressort que le dossier, pour être tout à fait clair, ne comporte, en l'état actuel, aucun élément de nature à garantir l'équilibre de la masse d'eau à moyen et à long terme.
Le respect de cet équilibre pourrait d'ailleurs conduire à imposer des conditions techniques d'exploitation telles du jugement, notamment par rapport aux eaux exhaurées et à la profondeur maximale d'exploitation de ce gisement, qui le rendrait économiquement non rentable par l'exploitant. Et dans cette hypothèse extrême, nous n'aurions d'autre choix, vous l'aurez compris, que de renoncer à l'inscription de la zone d'extraction d'Hemptinne.
L'ampleur des conditions d'exploitation et de solutions techniques qui en découlent dépendront essentiellement de l'étude hydrogéologique réalisée par le bureau Aquale Ecofox, dont les premiers résultats du modèle actualisé sont attendus, pour mars 2009.
J'entends bien encore prendre une décision avant le terme de cette législature, compte tenu des délais que je viens d'indiquer. Cette modernisation devrait nous permettre d'obtenir des renseignements complémentaires quant à l'équilibre actuel de la masse d'eau et de préciser les conditions pour que cet équilibre soit respecté.
Je crois que nous avons tout intérêt à vérifier et actualiser le modèle dont il est question puisque nous avons constaté, durant l'automne 2008, l'assèchement d'une galerie drainante dont la première étude modélisée nous avait appris qu'elle ne pourrait être asséchée qu'à très long terme.
Donc, tout le calendrier, par ce simple constat factuel, a été bouleversé par rapport à la prévision scientifique qui nous avait été avancée. De quoi évidemment alerter les responsables de la Région wallonne puisque, je vous le rappelle, cet incident a eu des répercussions sur deux prises d'eau à Yves-Gomezée et a compromis, ni plus ni moins, l'alimentation en eau de la Ville de Charleroi. C'est cela l'enjeu.
On peut évidemment comprendre qu'il y a une entreprise qui a des emplois, qu'il y a une conséquence sur le plan économique, mais quel est le responsable politique aujourd'hui qui, face à ces constats, prendrait le risque d'assécher en alimentation d'eau la Ville de Charleroi, une des principales communautés urbaines de notre Région ? Dès lors, nous avons évidemment pris un certain nombre de contacts avec l'exploitant potentiel, les carriers voisins puisqu'il y a aussi Solvay et Merck, la Wallonne des Eaux, l'INASEP, bien sûr, le Cabinet de mon Collègue Benoît Lutgen très directement concerné par la question de l'alimentation en eau pour évidemment prendre toutes les dispositions utiles pour sécuriser en alimentation d'eau la Ville de Charleroi. Du reste, des projets de convention arrivent à terme et devront être réenvisagés.
Donc, clairement, tant que nous n'aurons pas toutes les garanties en la matière, je ne vois pas pourquoi et comment nous pourrions progresser dans ce dossier. J'en ai fait part au Gouvernement wallon très clairement et j'avoue que mon Collègue Benoît Lutgen a conforté au nom de l'administration de l'Eau, notamment de la Direction des Eaux souterraines, le point de vue que j'ai défendu et aujourd'hui, nous sommes dans l'attente de ce complément d'étude, mais s'il devait se vérifier qu'il y a un problème des eaux entrantes pour faire bref par rapport aux eaux sortantes ce qu'on appelle le niveau de la masse d'eau , nous n'aurions d'autre solution que de renoncer à l'inscription de cette carrière parce qu'elle est particulièrement préjudiciable pour une raison essentielle qui est l'alimentation en eau.
Je veux me montrer prudent, mais les premiers faits tels qu'ils nous ont été rapportés sont suffisamment inquiétants aujourd'hui pour que nous devions envisager de renoncer à toute forme d'inscription dans cette zone.
Monsieur le Ministre, votre réponse est de nature à faire comprendre à la population de Florennes qu'il n'y a pas en ressources naturelles que le phénomène de la pierre.
Il y a aussi, et d'abord, le phénomène de l'eau qui est, me semble-t-il, de manière absolue, un bien de première nécessité. C'est vrai que creuser une nouvelle carrière dans cette zone provoque évidemment un déséquilibre important en matière hydrogéologique.
Je suis également attentif à l'équilibre entre les eaux captées, les eaux rejetées, les eaux nécessaires à l'exploitation, mais aussi à toute la perturbation dans l'environnement immédiat de ces carrières, ce que j'ai appelé les phénomènes karstiques.
Je voudrais dire à mes Collègues que lorsque j'étais à l'Aménagement du Territoire, Carmeuse a introduit six demandes de modification de plan de secteur. J'en ai accordé cinq dont une était l'extension d'Aisemont qui était considérée à l'époque, par Carmeuse, comme étant absolument indispensable à la survie de l'entreprise. Mais déjà, à ce moment-là, j'avais d'énormes doutes sur Florennes et donc, je n'ai pas accepté de mettre Hemptinne en révision.
Monsieur Stoffels, je voudrais vous dire qu'il ne s'agit pas d'une extension, il s'agit d'une création dans un site neuf, mais qui prolonge évidemment le banc exploité de deux côtés, ce qui permettra, à un moment donné, que les bancs se rejoignent. Je ne parle que de Florennes, je ne parle même pas de Walcourt puisque Walcourt se trouve dans la même zone. Comment le captage des eaux pour la SWDE se fait-il ? Essentiellement par des canaux drainants.
Il ne s'agit pas de captages comme nous les connaissons, mais d'un canal drainant qui alimente l'agglomération de Charleroi et qui risque, à partir du moment où il y a déséquilibre dans les eaux, de s'assécher purement et simplement.
Donc, Monsieur le Ministre, je pense que les trois avis que vous demandez sont de nature à faire la clarté sur ces éléments de type hydraulique. Il me semble que c'est un élément important à apporter au dossier. Il ne sera pas le seul, mais c'est un élément assez fondamental puisqu'il s'agit d'un bien de première nécessité.
Je pense qu'il ne s'agit pas d'opposer ici l'économie et l'environnement, mais dans une région comme celle-là, qui a déjà donné pas mal à l'exploitation de carrières, il me semble qu'il y a un équilibre à trouver.
J'espère, Monsieur le Ministre, que cette demande à Hemptinne ne viendra pas perturber cet équilibre auquel les habitants de Florennes sont aujourd'hui habitués, ayant déjà payé largement leur écot à l'exploitation de la zone calcaire à cet endroit.
Le Bourgmestre de Florennes, Stéphane Lasseaux, regrettait les avis globalement positifs de la CRAT et du CWEDD en ce qui concerne la modification du plan de secteur en vue d’inscrire une zone d’extraction à Hemptinne/Saint-Aubin.
Certes ces avis ne sont pas récents mais la commune n’en avait pas encore reçu la teneur officiellement. A cet égard, il faut rappeler que tant l’ancien que le nouveau conseil communal de Florennes et de Walcourt se sont prononcés à l’unanimité contre ce projet de carrière.
Les avis de la CRAT et du CWEDD, s’ils sont qualifiés de positifs, émettent pourtant une série de réserves sur l’exploitation de la carrière qui devra encore faire l’objet ultérieurement d’une demande de permis unique.
Ainsi, il faudra être attentif à la valorisation des eaux d’exhaure par rechargement de la nappe ou par cession à un distributeur d’eau.
En effet, en raison de l’activité des deux autres carrières toute proches, la nappe phréatique est surexploitée. Cela comporte une série de risques qu’il ne faut pas sous-estimer.
D’une part, le tarissement des sources et captages :
La SWDE a d’ailleurs fait savoir à la DGATLP que ses cinq prises d’eau à cet endroit sont d’une importance capitale pour l’alimentation des réseaux de distribution.
D’autre part, les effondrements karstiques :
Ces effondrements sont nombreux dans la zone de Florennes puisque 82 effondrements sont déjà répertoriés.
A cet égard, dans un courrier de mars 2007, la Directrice générale attirait l’attention des autorités communales sur l’intense activité du karst sur cette partie du territoire et sur la relation qui existe entre ce phénomène et l’exhaure des carrières et /ou la surexploitation des nappes aquifères.
En outre, elle rappelait que le principe de précaution devait trouver à s’appliquer car « s’il s’avère que l’autorité compétente avait connaissance d’un risque majeur pour les personnes et/ou les biens et qu’elle n’a pas tenu compte des investigations qui ont été opérées en matière d’études du sous-sol ni des recommandations des experts sur les risques en question lors de la délivrance des permis, elle pourrait supporter la responsabilité civile des actes administratifs qu’elle pose ».
Enfin, je conclurai en évoquant l’avis de la Commission wallonne d’études et de protection des sites souterrains remis en avril 2008 et qui de façon surprenante ne semble pas avoir été pris en compte dans les avis du CWEDD ni de la CRAT.
Je me permets à cet égard de citer un extrait particulièrement interpellant :
« La probabilité de la formation d'effondrements karstiques autour de Hemptinne en cas d'ouverture de la carrière est bien réelle. Elle se base notamment sur les observations réalisées en janvier 2005 à l'est de Florennes (Ru des Récollets) où, suite aux pompages exercés pour l'approfondissement de la carrière Berthe, des effondrements spectaculaires s'étaient ouverts dans le lit du ruisseau. Ceux-ci ont absorbés (jusqu'à leur colmatage +/- naturel) le ruisseau des Récollets, mettant les eaux de surface en connexion directe avec la nappe. Cet évènement a été relaté dans le rapport très explicite adressé par la DGATLP au collège de Florennes (réf. Risknat2003/059) faisant état de ces effondrements et de la contrainte karstique qu'ils induisent pour l'aménagement du territoire dans cette zone.
Nous rappelons enfin que le massif visé par Carmeuse à Hemptinne est le prolongement de celui de la Carrière Berthe à proximité immédiate de Florennes. Des effondrements et une absorption du ru d'Yves (entre St Aubin et la ferme de Froidmont) nous apparaissent dès lors comme un scénario possible aux conséquences particulièrement dommageables! »
Et de conclure :
« Les impacts de l'extension des carrières autour de Hemptinne peuvent s'avérer dévastateurs. Une modification du plan de secteur allant dans ce sens nous paraît particulièrement contre indiqué pour le développement durable de cette zone et pour le maintien d'un cadre de vie de qualité. L'objet de nos remarques s'applique exclusivement aux incidences et aux aspects karstiques et hydrologiques induits par le projet Carmeuse / Hemptinne.
Vu l'absence dans l'étude d'incidence des différents éléments mentionnés ci-avant , considérant l'impact actuel des deux vastes carrières qui affectent déjà la zone et selon le principe de précaution, la CWEPSS remet un avis défavorable quant au projet de modification du plan de secteur. »
Monsieur le Ministre peut-il nous indiquer comment il entend aussi tenir compte de cet avis négatif de la CWEPSS et des éléments particulièrement inquiétants dans le cadre de la procédure de modification du plan de secteur toujours en cours.
D’avance, je vous remercie pour vos réponses.
Réponse de M. Antoine, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial
Monsieur le Président, je voudrais remercier M. Stoffels qui a relayé les préoccupations économiques, M. Borsus qui s'est interrogé sur le calendrier de la décision, mais plus encore M. Lebrun qui nous a permis d'avoir ce débat puisque c'est lui qui a introduit l'interpellation et qui, de surcroît, a eu l'immense gentillesse de m'inviter dans la région.
Dès l'initiative de cette modification planologique, j'avais indiqué toute ma préoccupation c'est l'engagement que j'ai souscrit devant la population de Florennes sur la question de l'eau. C'est du reste pour cela que, dès le 15 janvier, ayant fait part au Gouvernement de cette préoccupation, celui-ci m'a chargé de solliciter des avis complémentaires, que ce soit de la Direction des eaux souterraines, de la Direction générale opérationnelle agriculture, des Ressources naturelles et de l'Environnement, de la Société wallonne des Eaux et de l'Intercommunale namuroise des services publics.
Une petite incise : pourquoi l'opération prend-elle tellement de temps ? C'est un peu une question sousjacente de M. Borsus. Tout simplement parce que les responsables de Carmeuse, eux-mêmes, ont souhaité, à un certain moment, que l'on suspende la procédure. En cause, il y avait les élections communales, puis il y a eu les élections fédérales.
Je ne crois pas trahir un secret en révélant cette préoccupation de l'autorité de l'entreprise. Franchement, je peux vous dire que c'est à la demande de l'entreprise elle-même.
Dans le cadre de cette préoccupation essentielle, je ne rejette évidemment pas la considération économique, mais je n'en suis pas le premier responsable. Bien sûr, il y a des considérations planologiques que la CRAT et le CWEDD doivent analyser, mais il n'empêche, la question est essentielle, sinon même vitale, tout comme la question des ressources naturelles, notamment des ressources en eau.
Et là, je dois bien reconnaître que les différents avis que nous avons reçus notamment de la Wallonne, de l'INASEP ou de la Direction générale des Ressources naturelles et de l'Environnement, sont particulièrement interpellants. En effet, il ressort que le dossier, pour être tout à fait clair, ne comporte, en l'état actuel, aucun élément de nature à garantir l'équilibre de la masse d'eau à moyen et à long terme.
Le respect de cet équilibre pourrait d'ailleurs conduire à imposer des conditions techniques d'exploitation telles du jugement, notamment par rapport aux eaux exhaurées et à la profondeur maximale d'exploitation de ce gisement, qui le rendrait économiquement non rentable par l'exploitant. Et dans cette hypothèse extrême, nous n'aurions d'autre choix, vous l'aurez compris, que de renoncer à l'inscription de la zone d'extraction d'Hemptinne.
L'ampleur des conditions d'exploitation et de solutions techniques qui en découlent dépendront essentiellement de l'étude hydrogéologique réalisée par le bureau Aquale Ecofox, dont les premiers résultats du modèle actualisé sont attendus, pour mars 2009.
J'entends bien encore prendre une décision avant le terme de cette législature, compte tenu des délais que je viens d'indiquer. Cette modernisation devrait nous permettre d'obtenir des renseignements complémentaires quant à l'équilibre actuel de la masse d'eau et de préciser les conditions pour que cet équilibre soit respecté.
Je crois que nous avons tout intérêt à vérifier et actualiser le modèle dont il est question puisque nous avons constaté, durant l'automne 2008, l'assèchement d'une galerie drainante dont la première étude modélisée nous avait appris qu'elle ne pourrait être asséchée qu'à très long terme.
Donc, tout le calendrier, par ce simple constat factuel, a été bouleversé par rapport à la prévision scientifique qui nous avait été avancée. De quoi évidemment alerter les responsables de la Région wallonne puisque, je vous le rappelle, cet incident a eu des répercussions sur deux prises d'eau à Yves-Gomezée et a compromis, ni plus ni moins, l'alimentation en eau de la Ville de Charleroi. C'est cela l'enjeu.
On peut évidemment comprendre qu'il y a une entreprise qui a des emplois, qu'il y a une conséquence sur le plan économique, mais quel est le responsable politique aujourd'hui qui, face à ces constats, prendrait le risque d'assécher en alimentation d'eau la Ville de Charleroi, une des principales communautés urbaines de notre Région ? Dès lors, nous avons évidemment pris un certain nombre de contacts avec l'exploitant potentiel, les carriers voisins puisqu'il y a aussi Solvay et Merck, la Wallonne des Eaux, l'INASEP, bien sûr, le Cabinet de mon Collègue Benoît Lutgen très directement concerné par la question de l'alimentation en eau pour évidemment prendre toutes les dispositions utiles pour sécuriser en alimentation d'eau la Ville de Charleroi. Du reste, des projets de convention arrivent à terme et devront être réenvisagés.
Donc, clairement, tant que nous n'aurons pas toutes les garanties en la matière, je ne vois pas pourquoi et comment nous pourrions progresser dans ce dossier. J'en ai fait part au Gouvernement wallon très clairement et j'avoue que mon Collègue Benoît Lutgen a conforté au nom de l'administration de l'Eau, notamment de la Direction des Eaux souterraines, le point de vue que j'ai défendu et aujourd'hui, nous sommes dans l'attente de ce complément d'étude, mais s'il devait se vérifier qu'il y a un problème des eaux entrantes pour faire bref par rapport aux eaux sortantes ce qu'on appelle le niveau de la masse d'eau , nous n'aurions d'autre solution que de renoncer à l'inscription de cette carrière parce qu'elle est particulièrement préjudiciable pour une raison essentielle qui est l'alimentation en eau.
Je veux me montrer prudent, mais les premiers faits tels qu'ils nous ont été rapportés sont suffisamment inquiétants aujourd'hui pour que nous devions envisager de renoncer à toute forme d'inscription dans cette zone.
M. Lebrun (cdH)
Monsieur le Ministre, votre réponse est de nature à faire comprendre à la population de Florennes qu'il n'y a pas en ressources naturelles que le phénomène de la pierre.
Il y a aussi, et d'abord, le phénomène de l'eau qui est, me semble-t-il, de manière absolue, un bien de première nécessité. C'est vrai que creuser une nouvelle carrière dans cette zone provoque évidemment un déséquilibre important en matière hydrogéologique.
Je suis également attentif à l'équilibre entre les eaux captées, les eaux rejetées, les eaux nécessaires à l'exploitation, mais aussi à toute la perturbation dans l'environnement immédiat de ces carrières, ce que j'ai appelé les phénomènes karstiques.
Je voudrais dire à mes Collègues que lorsque j'étais à l'Aménagement du Territoire, Carmeuse a introduit six demandes de modification de plan de secteur. J'en ai accordé cinq dont une était l'extension d'Aisemont qui était considérée à l'époque, par Carmeuse, comme étant absolument indispensable à la survie de l'entreprise. Mais déjà, à ce moment-là, j'avais d'énormes doutes sur Florennes et donc, je n'ai pas accepté de mettre Hemptinne en révision.
Monsieur Stoffels, je voudrais vous dire qu'il ne s'agit pas d'une extension, il s'agit d'une création dans un site neuf, mais qui prolonge évidemment le banc exploité de deux côtés, ce qui permettra, à un moment donné, que les bancs se rejoignent. Je ne parle que de Florennes, je ne parle même pas de Walcourt puisque Walcourt se trouve dans la même zone. Comment le captage des eaux pour la SWDE se fait-il ? Essentiellement par des canaux drainants.
Il ne s'agit pas de captages comme nous les connaissons, mais d'un canal drainant qui alimente l'agglomération de Charleroi et qui risque, à partir du moment où il y a déséquilibre dans les eaux, de s'assécher purement et simplement.
Donc, Monsieur le Ministre, je pense que les trois avis que vous demandez sont de nature à faire la clarté sur ces éléments de type hydraulique. Il me semble que c'est un élément important à apporter au dossier. Il ne sera pas le seul, mais c'est un élément assez fondamental puisqu'il s'agit d'un bien de première nécessité.
Je pense qu'il ne s'agit pas d'opposer ici l'économie et l'environnement, mais dans une région comme celle-là, qui a déjà donné pas mal à l'exploitation de carrières, il me semble qu'il y a un équilibre à trouver.
J'espère, Monsieur le Ministre, que cette demande à Hemptinne ne viendra pas perturber cet équilibre auquel les habitants de Florennes sont aujourd'hui habitués, ayant déjà payé largement leur écot à l'exploitation de la zone calcaire à cet endroit.