Le projet d’implantation d’une nouvelle centrale nucléaire à Chooz
28 janvier 2009 │Question orale de M. Michel LEBRUN à M. le Ministre-Président Rudy DEMOTTE + réponse du Ministre
Monsieur le Ministre,
Au début de l’été 2008, la construction d’une deuxième centrale nucléaire de type EPR – Réacteur à eau sous pression - était annoncée en France.
Le département français des Ardennes avait ensuite déposé sa candidature pour accueillir sur son territoire de Chooz cette centrale nucléaire de 3ème génération.
Le 4 novembre 2008, j’ai interrogé le Ministre COURARD à propos du projet d’implantation d’un nouveau réacteur EPR à la centrale nucléaire de Chooz.
Selon les journaux Le Soir et Vers l’Avenir du 20 janvier, ce projet semble se confirmer puisque une décision imminente est sur le point d’être prise. Nicolas SARKOZY s’apprêterait à attribuer le deuxième réacteur nucléaire de type EPR à EDF. Le site retenu pour implanter ce concept de réacteur nucléaire de 3ème génération serait Chooz.
Ce projet de réacteur à eau sous pression nous met, pour ainsi dire, sous pression car il concerne en premier plan la Belgique. La Commune de Chooz se situe sur un territoire français imbriqué en Belgique. Elle est localisée en bord de Meuse entre Charleville-Mézières et Dinant en Belgique. Si le site de Chooz se situe en France, les impacts environnementaux et sur le plan de la sécurité et de la santé concernent davantage la Belgique que la France en raison des vents dominants et de l’écoulement de la Meuse vers la Belgique.
Ce projet suscite de nombreuses inquiétudes. Ainsi, le 19 décembre dernier, le Conseil provincial namurois s’est prononcé à la quasi unanimité contre le projet d’une nouvelle centrale nucléaire à Chooz.
Vu les nombreuses incertitudes qui planent toujours sur ce dossier, je souhaiterais obtenir réponse aux questions suivantes :
En réponse à ma question du 4 novembre 2008, le Ministre COURARD a déclaré avoir adressé un courrier au Ministre fédéral de l’intérieur lui demandant d’interpeller son homologue français sur la nécessité d’informer les citoyens des communes limitrophes de l’existence de ce projet.
M. Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon
J'ai été parfaitement intéressé par votre question.
Monsieur le Président, Messieurs les Parlementaires, sur cette question, il faut d'abord revenir sur quelques éléments d'information.
La France ne devrait pas prendre position sur l'opportunité de la construction d'un nouveau réacteur nucléaire de type EPR, avant plusieurs semaines. L'Elysée et le Ministre français responsable de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire semblent, en effet, souhaiter se donner le temps de la réflexion avant de confirmer une volonté de doter la France d'une nouvelle centrale EPR et de formuler des propositions sur son lieu précis d'implantation.
Vous avez, en ce sens, relevé un certain nombre d'objections qui ont été formulées par le Ministre Jean-Louis Borloo qui a mis en doute l'utilité de cet équipement. Il est vrai que cela rentre aussi dans un cadre franco-français où les débats se font notamment sur les opérateurs.
Selon les renseignements en ma possession, cinq sites sont actuellement examinés pour une éventuelle construction : Flamandville, en Normandie, où la construction d'un EPR est déjà en cours ; Penly, dans le Nord-Pas-de-Calais ; Chooz, en Champagne-Ardennes et à notre frontière ; Tricastin dans la Drôme ; Marcoule dans le Gard.
Aujourd'hui, aucun choix n'a encore été arrêté.
Le site de Chooz pris en considération notamment en raison d'implantations nucléaires existantes ne bénéficierait, en tout cas, d'aucune préférence particulière. À la base, il semble que ce site ne faisait même pas partie des sites étudiés, mais que des élus de cette zone peut-être pour les raisons rappelées par M. Lebrun ont adressé une lettre au Premier-Ministre français pour lui recommander une installation à Chooz.
Vous comprendrez, dès lors, qu'à ce stade, compte tenu de l'état d'avancement du dossier et des éléments précités, je ne peux pas encore contacter les autorités françaises pour leur dire que même si Chooz n'est pas encore sur la liste, il faudrait tout de même faire quelque chose. Il faut penser aux choses de manière intelligente.
Le dossier n'étant pas arrivé à maturité en France, il convient quand même de rappeler, pour nous, un certain nombre d'éléments qui nous paraissent légitimes.
D'abord, nous pouvons demander que les communes wallonnes limitrophes participent au débat, et que, dès lors, les autorités fédérales veillent à se concerter avec ces communes . C'est un rappel que je fais à ce stade. Je le fais pour le Parlement et le ferai demain, si nécessaire, pour le Gouvernement fédéral. Les communes doivent être associées au débat.
Ensuite, la Région wallonne doit aussi avoir son mot à dire dans le dossier. Nous n'allons pas nous laisser mettre sur le côté, notamment au titre de nos compétences comme le Développement territorial, l'Environnement, l'Énergie et les Affaires intérieures, et ce, afin de défendre l'intérêt des citoyens qui vivent sur notre territoire.
Pour répondre à votre question, une démarche a déjà été effectuée par notre collègue en charge des matières intérieures, le Ministre Courard, pour s'enquérir de la volonté de voir pris en compte les droits des citoyens des communes wallonnes limitrophes, au regard des compétences qui sont les nôtres.
Cela visait, notamment, une des matières qui nous tient à coeur et qui est en filigrane de votre intervention et que j'épouse bien volontiers : le droit des habitants et des communes à une pleine information et à une juste compensation face aux éventuelles nuisances. La réponse apportée par le Ministre de l'Intérieur vous a été transmise, le 24 novembre dernier. Le Ministre fédéral nous indiquait alors que le rôle de l'Agence Fédérale de Contrôle de la Sécurité Nucléaire porte principalement sur la problématique de la sûreté et que, dès lors, ni cette agence, ni lui-même en tant que ministre de tutelle, n'étaient les mieux indiqués pour lancer une consultation transfrontalière sur l'opportunité d'une telle implantation. Néanmoins, le Ministre de l'intérieur avait marqué son intention de veiller à ce que les représentants belges au sein d'un Comité de concertation international en la matière, interviennent auprès de leurs collègues français. En d'autres termes, ils vont marquer le coup sur ce plan.
Le but étant d'être informé à un stade aussi précoce que possible, si un projet concret devait se confirmer à Chooz.
Sur la question de savoir dans quelle mesure la Belgique doit être concertée par rapport au projet luimême, je vous dirais n'avoir aucune prise sur les initiatives de parlementaires ou d'élus locaux français qui se mobilisent pour le développement socio-économique de leur propre région je crois que c'est de là que part le problème. Par ailleurs, les faits sont là, l'État français peut décider souverainement de la construction d'une nouvelle centrale nucléaire sur son territoire pour autant qu'il respecte les règles de sûreté et de protection de la population et de l'environnement en la matière, et qu'il suive, par ailleurs, toutes les procédures de consultation prévues à l'échelle européenne.
À cet égard, le Ministre fédéral chargé de l'Énergie a clairement répondu, le 8 juillet dernier, au Parlement fédéral, que si le site de Chooz devait être retenu, les autorités françaises devraient alors prendre contact avec les autorités belges, en l'occurrence, elles devraient s'adresser à l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, pour rendre compte des mesures de sécurité appropriées et pour connaître l'impact sur l'environnement, pour coordonner la planification d'urgence et pour informer correctement la population wallonne aux alentours de l'implantation.
Par ailleurs, sur le plan de la sûreté, les autorités françaises se devraient également de suivre la procédure prévue à l'article 37 d'un des traités fondamentaux de notre Union, le Traité Euratom. Cet article stipule que « chaque État-membre est tenu de fournir, à la Commission, les données générales de tout projet de rejet d'effluents sous n'importe quelle forme, permettant de déterminer si la mise en uvre de ce projet est susceptible d'entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l'espace aérien d'un autre Étatmembre. La Commission, après consultation d'un groupe d'experts, doit émettre un avis dans un délai de six mois » Voilà la procédure exacte qui pourrait être entamée.
S'ajouterait, en outre, les obligations imposées par différentes normes internationales, comme la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ou encore la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontalier (faite à Espoo le 25 février 1991), et la Convention sur la sûreté nucléaire (faite à Vienne le 20 septembre 1994).
Pour plus de détails sur les obligations qui s'imposeraient, dans ce cadre, aux autorités françaises, il faudra évidemment interroger les ministres en charge de ces matières, notamment le Ministre wallon de l'Environnement, de l'Énergie et du Développement territorial. Quant à la question des légitimes compensations, de leur montant, de l'information des citoyens et de l'affectation de la fiscalité générée, elle est pertinente, mais aussi un peu prématurée. Cela dit, rien n'étant encore arrêté par la France sur le choix du site, donc, vraisemblablement, également, la question des indemnités se ferait jour si on avançait plus avant. Il appartiendra alors aux communes limitrophes de juger, le cas échéant, et le moment venu, de l'opportunité de préparer un cahier de revendications chiffrant les compensations qu'elles seraient en droit d'attendre au cas où le site de Chooz serait choisi.
Enfin, je ne dispose pas de renseignements sur les compensations versées actuellement par EDF aux communes wallonnes situées à proximité de Chooz. Cela dit, toute base de discussion se fait évidemment en fonction de la réalité du moment. Ce qui avait été négocié à l'époque ne me semble pas nécessairement être ce qui doit être rediscuté aujourd'hui au cas où. Voilà ce que je peux vous donner comme informations. Il s'agit d'une matière assez dense. Aujourd'hui nous ne sommes pas non plus devant des choix arrêtés.
Vous voyez que nous sommes préparés. Le cas échéant, nous avons différents niveaux d'intervention qui sont prévus.
M. Lebrun (cdH)
Je voudrais remercier M. Le Ministre-Président pour sa réponse particulièrement complète.
Je pense que vous avez fait un état des lieux qui montre que le Gouvernement wallon est sensible à la question et est prêt à agir en la matière.
Je pense qu'on a raison de se préoccuper « bien avant » de la question. Je sais que lorsque la France, au plus haut niveau, décide quelque chose, il est difficile de la faire reculer. L'expérience de Chooz et les manifestations qui se sont produites en 1978-1979 contre l'implantation à Chooz, montrent que la Belgique est souvent considérée comme un territoire « voisin ». Je me souviens, au moment où je suis arrivé à l'Aménagement du territoire, d'être tombé sur un document de la Communauté urbaine de Lille qui considérait que l'aéroport qui devait desservir Lille se situait à Chièvre.
Je vois que les Français considèrent parfois la Belgique comme un territoire conquis. Sans doute y a-t-il certains appels ?
Je pense qu'il est urgent d'agir et d'interpeller suffisamment tôt. Vous avez fait référence à une lettre du Ministre de l'Intérieur à M. Courard. J'aimerais avoir copie de ce courrier. M. Courard nous avait dit qu'il nous l'enverrait, mais nous ne l'avons pas reçue. Si vous même êtes en possession de ce courrier, il serait intéressant de le faire parvenir au Président de la Commission. Vous avez parlé des rejets. Il est clair que les rejets sont surtout des rejets en Meuse. Cette dernière subit donc des effets de la centrale nucléaire. Je ne parle pas de rejets nucléaires, mais simplement de la température de l'eau. Enfin, je pense très utile qu'au niveau des communes belges, il y ait une réflexion sur un éventuel cahier de revendications au cas où une décision nous serait imposée, en conformité avec les conventions internationales que vous avez rappelées.
Au début de l’été 2008, la construction d’une deuxième centrale nucléaire de type EPR – Réacteur à eau sous pression - était annoncée en France.
Le département français des Ardennes avait ensuite déposé sa candidature pour accueillir sur son territoire de Chooz cette centrale nucléaire de 3ème génération.
Le 4 novembre 2008, j’ai interrogé le Ministre COURARD à propos du projet d’implantation d’un nouveau réacteur EPR à la centrale nucléaire de Chooz.
Selon les journaux Le Soir et Vers l’Avenir du 20 janvier, ce projet semble se confirmer puisque une décision imminente est sur le point d’être prise. Nicolas SARKOZY s’apprêterait à attribuer le deuxième réacteur nucléaire de type EPR à EDF. Le site retenu pour implanter ce concept de réacteur nucléaire de 3ème génération serait Chooz.
Ce projet de réacteur à eau sous pression nous met, pour ainsi dire, sous pression car il concerne en premier plan la Belgique. La Commune de Chooz se situe sur un territoire français imbriqué en Belgique. Elle est localisée en bord de Meuse entre Charleville-Mézières et Dinant en Belgique. Si le site de Chooz se situe en France, les impacts environnementaux et sur le plan de la sécurité et de la santé concernent davantage la Belgique que la France en raison des vents dominants et de l’écoulement de la Meuse vers la Belgique.
Ce projet suscite de nombreuses inquiétudes. Ainsi, le 19 décembre dernier, le Conseil provincial namurois s’est prononcé à la quasi unanimité contre le projet d’une nouvelle centrale nucléaire à Chooz.
Vu les nombreuses incertitudes qui planent toujours sur ce dossier, je souhaiterais obtenir réponse aux questions suivantes :
- Bien que cette matière relève en premier lieu de la compétence du Gouvernement fédéral, y a-t-il eu une concertation entre les autorités wallonnes et Monsieur Jean Louis BORLOO, Ministre français de l’Energie à propos de ce dossier ?
- Disposez-vous d’information à propos de la date ferme à laquelle la décision d’implantation sera prise ?
En réponse à ma question du 4 novembre 2008, le Ministre COURARD a déclaré avoir adressé un courrier au Ministre fédéral de l’intérieur lui demandant d’interpeller son homologue français sur la nécessité d’informer les citoyens des communes limitrophes de l’existence de ce projet.
- Quelle a été l’issue de cette interpellation ? Un dialogue a-t-il été mené avec le public transfontalier et les riverains ? Les citoyens des communes limitrophes ont-ils été informés de leurs droits et des conséquences de ce projet ? Ces communes bénéficieront- elles d’une juste compensation en vue de ces éventuelles nuisances ?
- Aussi, pouvez- vous nous rassurer à propos du respect des conditions de sécurité dans cette opération ?
- Par ailleurs, comme il l’a été évoqué par des élus locaux ardennais, ne conviendrait il pas que la fiscalité générée par cette EPR serve au développement des énergies renouvelables ?
Réponse
M. Demotte, Ministre-Président du Gouvernement wallon
J'ai été parfaitement intéressé par votre question.
Monsieur le Président, Messieurs les Parlementaires, sur cette question, il faut d'abord revenir sur quelques éléments d'information.
La France ne devrait pas prendre position sur l'opportunité de la construction d'un nouveau réacteur nucléaire de type EPR, avant plusieurs semaines. L'Elysée et le Ministre français responsable de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire semblent, en effet, souhaiter se donner le temps de la réflexion avant de confirmer une volonté de doter la France d'une nouvelle centrale EPR et de formuler des propositions sur son lieu précis d'implantation.
Vous avez, en ce sens, relevé un certain nombre d'objections qui ont été formulées par le Ministre Jean-Louis Borloo qui a mis en doute l'utilité de cet équipement. Il est vrai que cela rentre aussi dans un cadre franco-français où les débats se font notamment sur les opérateurs.
Selon les renseignements en ma possession, cinq sites sont actuellement examinés pour une éventuelle construction : Flamandville, en Normandie, où la construction d'un EPR est déjà en cours ; Penly, dans le Nord-Pas-de-Calais ; Chooz, en Champagne-Ardennes et à notre frontière ; Tricastin dans la Drôme ; Marcoule dans le Gard.
Aujourd'hui, aucun choix n'a encore été arrêté.
Le site de Chooz pris en considération notamment en raison d'implantations nucléaires existantes ne bénéficierait, en tout cas, d'aucune préférence particulière. À la base, il semble que ce site ne faisait même pas partie des sites étudiés, mais que des élus de cette zone peut-être pour les raisons rappelées par M. Lebrun ont adressé une lettre au Premier-Ministre français pour lui recommander une installation à Chooz.
Vous comprendrez, dès lors, qu'à ce stade, compte tenu de l'état d'avancement du dossier et des éléments précités, je ne peux pas encore contacter les autorités françaises pour leur dire que même si Chooz n'est pas encore sur la liste, il faudrait tout de même faire quelque chose. Il faut penser aux choses de manière intelligente.
Le dossier n'étant pas arrivé à maturité en France, il convient quand même de rappeler, pour nous, un certain nombre d'éléments qui nous paraissent légitimes.
D'abord, nous pouvons demander que les communes wallonnes limitrophes participent au débat, et que, dès lors, les autorités fédérales veillent à se concerter avec ces communes . C'est un rappel que je fais à ce stade. Je le fais pour le Parlement et le ferai demain, si nécessaire, pour le Gouvernement fédéral. Les communes doivent être associées au débat.
Ensuite, la Région wallonne doit aussi avoir son mot à dire dans le dossier. Nous n'allons pas nous laisser mettre sur le côté, notamment au titre de nos compétences comme le Développement territorial, l'Environnement, l'Énergie et les Affaires intérieures, et ce, afin de défendre l'intérêt des citoyens qui vivent sur notre territoire.
Pour répondre à votre question, une démarche a déjà été effectuée par notre collègue en charge des matières intérieures, le Ministre Courard, pour s'enquérir de la volonté de voir pris en compte les droits des citoyens des communes wallonnes limitrophes, au regard des compétences qui sont les nôtres.
Cela visait, notamment, une des matières qui nous tient à coeur et qui est en filigrane de votre intervention et que j'épouse bien volontiers : le droit des habitants et des communes à une pleine information et à une juste compensation face aux éventuelles nuisances. La réponse apportée par le Ministre de l'Intérieur vous a été transmise, le 24 novembre dernier. Le Ministre fédéral nous indiquait alors que le rôle de l'Agence Fédérale de Contrôle de la Sécurité Nucléaire porte principalement sur la problématique de la sûreté et que, dès lors, ni cette agence, ni lui-même en tant que ministre de tutelle, n'étaient les mieux indiqués pour lancer une consultation transfrontalière sur l'opportunité d'une telle implantation. Néanmoins, le Ministre de l'intérieur avait marqué son intention de veiller à ce que les représentants belges au sein d'un Comité de concertation international en la matière, interviennent auprès de leurs collègues français. En d'autres termes, ils vont marquer le coup sur ce plan.
Le but étant d'être informé à un stade aussi précoce que possible, si un projet concret devait se confirmer à Chooz.
Sur la question de savoir dans quelle mesure la Belgique doit être concertée par rapport au projet luimême, je vous dirais n'avoir aucune prise sur les initiatives de parlementaires ou d'élus locaux français qui se mobilisent pour le développement socio-économique de leur propre région je crois que c'est de là que part le problème. Par ailleurs, les faits sont là, l'État français peut décider souverainement de la construction d'une nouvelle centrale nucléaire sur son territoire pour autant qu'il respecte les règles de sûreté et de protection de la population et de l'environnement en la matière, et qu'il suive, par ailleurs, toutes les procédures de consultation prévues à l'échelle européenne.
À cet égard, le Ministre fédéral chargé de l'Énergie a clairement répondu, le 8 juillet dernier, au Parlement fédéral, que si le site de Chooz devait être retenu, les autorités françaises devraient alors prendre contact avec les autorités belges, en l'occurrence, elles devraient s'adresser à l'Agence fédérale de contrôle nucléaire, pour rendre compte des mesures de sécurité appropriées et pour connaître l'impact sur l'environnement, pour coordonner la planification d'urgence et pour informer correctement la population wallonne aux alentours de l'implantation.
Par ailleurs, sur le plan de la sûreté, les autorités françaises se devraient également de suivre la procédure prévue à l'article 37 d'un des traités fondamentaux de notre Union, le Traité Euratom. Cet article stipule que « chaque État-membre est tenu de fournir, à la Commission, les données générales de tout projet de rejet d'effluents sous n'importe quelle forme, permettant de déterminer si la mise en uvre de ce projet est susceptible d'entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l'espace aérien d'un autre Étatmembre. La Commission, après consultation d'un groupe d'experts, doit émettre un avis dans un délai de six mois » Voilà la procédure exacte qui pourrait être entamée.
S'ajouterait, en outre, les obligations imposées par différentes normes internationales, comme la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ou encore la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontalier (faite à Espoo le 25 février 1991), et la Convention sur la sûreté nucléaire (faite à Vienne le 20 septembre 1994).
Pour plus de détails sur les obligations qui s'imposeraient, dans ce cadre, aux autorités françaises, il faudra évidemment interroger les ministres en charge de ces matières, notamment le Ministre wallon de l'Environnement, de l'Énergie et du Développement territorial. Quant à la question des légitimes compensations, de leur montant, de l'information des citoyens et de l'affectation de la fiscalité générée, elle est pertinente, mais aussi un peu prématurée. Cela dit, rien n'étant encore arrêté par la France sur le choix du site, donc, vraisemblablement, également, la question des indemnités se ferait jour si on avançait plus avant. Il appartiendra alors aux communes limitrophes de juger, le cas échéant, et le moment venu, de l'opportunité de préparer un cahier de revendications chiffrant les compensations qu'elles seraient en droit d'attendre au cas où le site de Chooz serait choisi.
Enfin, je ne dispose pas de renseignements sur les compensations versées actuellement par EDF aux communes wallonnes situées à proximité de Chooz. Cela dit, toute base de discussion se fait évidemment en fonction de la réalité du moment. Ce qui avait été négocié à l'époque ne me semble pas nécessairement être ce qui doit être rediscuté aujourd'hui au cas où. Voilà ce que je peux vous donner comme informations. Il s'agit d'une matière assez dense. Aujourd'hui nous ne sommes pas non plus devant des choix arrêtés.
Vous voyez que nous sommes préparés. Le cas échéant, nous avons différents niveaux d'intervention qui sont prévus.
M. Lebrun (cdH)
Je voudrais remercier M. Le Ministre-Président pour sa réponse particulièrement complète.
Je pense que vous avez fait un état des lieux qui montre que le Gouvernement wallon est sensible à la question et est prêt à agir en la matière.
Je pense qu'on a raison de se préoccuper « bien avant » de la question. Je sais que lorsque la France, au plus haut niveau, décide quelque chose, il est difficile de la faire reculer. L'expérience de Chooz et les manifestations qui se sont produites en 1978-1979 contre l'implantation à Chooz, montrent que la Belgique est souvent considérée comme un territoire « voisin ». Je me souviens, au moment où je suis arrivé à l'Aménagement du territoire, d'être tombé sur un document de la Communauté urbaine de Lille qui considérait que l'aéroport qui devait desservir Lille se situait à Chièvre.
Je vois que les Français considèrent parfois la Belgique comme un territoire conquis. Sans doute y a-t-il certains appels ?
Je pense qu'il est urgent d'agir et d'interpeller suffisamment tôt. Vous avez fait référence à une lettre du Ministre de l'Intérieur à M. Courard. J'aimerais avoir copie de ce courrier. M. Courard nous avait dit qu'il nous l'enverrait, mais nous ne l'avons pas reçue. Si vous même êtes en possession de ce courrier, il serait intéressant de le faire parvenir au Président de la Commission. Vous avez parlé des rejets. Il est clair que les rejets sont surtout des rejets en Meuse. Cette dernière subit donc des effets de la centrale nucléaire. Je ne parle pas de rejets nucléaires, mais simplement de la température de l'eau. Enfin, je pense très utile qu'au niveau des communes belges, il y ait une réflexion sur un éventuel cahier de revendications au cas où une décision nous serait imposée, en conformité avec les conventions internationales que vous avez rappelées.